Visite "augmentée"
Une question se pose souvent aux visiteurs de musées ou de centre d’art, en particulier lorsqu’il s’agit d’expositions d’art contemporain : faut-il ou non lire la feuille de salle avant de voir les œuvres ? Est-il possible d’attendre d’avoir pris connaissance des œuvres avant de lire le cartel ou le paragraphe la concernant sur la feuille de salle ?
Depuis quelques années maintenant, les musées et les centres d’art se sont dotés d’outils de médiation, cartels et feuilles de salle, généreusement documentés qu’ils mettent à la disposition du public. L’intention est louable et l’initiative est utile. Pourtant, force est de reconnaître qu’il est devenu difficile pour les visiteurs de se détacher d’une approche guidée et de naviguer à vue, pour le plaisir. La fréquentation des salles d’exposition tient plus du défilé de spectateurs captifs enregistrant des informations que de la visite effectuée en pleine conscience par des curieux et des amateurs d’art. L’espace du doute ou même la perplexité face à l’œuvre se sont réduits au profit de la distance savante de la personne informée. Et pourtant l’art est et restera une énigme, il existe surtout à travers sa capacité à générer des questions à l’infini et pas seulement sur le lieu de l’exposition.
Quelle alternative peut-on trouver, lors de la visite d’une exposition, à la trop forte dépendance à un document explicatif ? Comment restituer au spectateur qui veut s’informer un espace de réflexion dans lequel il s’active pour construire son propre regard ?
A l’occasion de la dernière exposition du festival accès)s( cultures électroniques, des étudiants du pôle Nouveaux Médias de l’ÉSA Pyrénées ont conçu une application faisant office de cartel pour chacune des œuvres exposées. L’enjeu de cette création a été de poser les bases d’une réflexion sur le cartel et son devenir dans le cadre d’une exposition d’arts numériques en prenant en considération les possibilités offertes par les médias contemporains. Cet outil accessible en ligne ou sur tablette dans le lieu d’exposition, était pensé pour guider le visiteur tout en laissant place à l’imagination, à la narration, à l’image et à la parole. Il permettait de préparer la visite à distance en consultant les documents sonores et visuels choisis par le visiteur lui-même. La richesse des informations fournie par cette application, mêlant images de référence, textes critiques et interviews des artistes, permet réellement d’enrichir le regard sans voiler la présence de l’œuvre ou le propos de l’artiste. L’ordre dans lequel se déroule cette forme de « visite augmentée » est fixé par le spectateur lui-même et visiblement, il se livre avec plaisir à l’expérience. Un après-midi passé à observer les allées et venues des visiteurs suffit à convaincre que le modèle testé pourrait être très vite adopté par la communauté des « regardeurs ».
Monique Larrouture Poueyto