Paysage-fiction acces)s( 2018

L’art contemporain s’adresse-t-il à une élite d’intellectuels ?

Les œuvres ne sont-elles que des constructions de l’esprit devant lesquelles il est difficile d’éprouver des émotions ?

La fréquentation de l’exposition proposée par le Festival accès)s( #18 dans les locaux du Bel Ordinaire jusqu’au 8 décembre, montre le contraire et les éventuels sceptiques auraient bien pu changer d’avis, s’ils avaient eu la chance de faire la visite, comme ce fut le cas pour nous samedi, en compagnie de Suzanne, une petite fille de huit ans. La suivre dans les trois salles, tantôt au pas de charge, tantôt assis par terre, tantôt partageant un casque d’écoute ou une tablette qui transforme les dessins au mur en images animées, change en effet complètement le point de vue de visiteur. L’enthousiasme et le naturel de son regard, tellement communicatif, était favorable à l’accès direct aux œuvres sur un mode actif et joyeux parfois. Cet après-midi-là, ce qui était détaillé dans la feuille de salle, au demeurant très complète et utile, devenait limpide alors que Suzanne nous engageait à l’expérimentation des œuvres. C’est ainsi qu’en avançant le doigt dans la brèche d’un mur, ouverte sur un flux de matière noire, on le retirait couvert de terre liquide car ce que nous avions pris pour une image vidéo était bel et bien un écoulement de boue qui regagnait le sol dont il était issu. Suzanne a très bien bien compris que surtout dans le domaine de l’art contemporain, un bout du chemin à faire pour rentrer dans l’intelligence des formes, doit être fait par le regardeur.
Cette année, la programmation d’accès)s( portait sur la manière dont les paysages technologiques deviennent matière à fiction, mais une grande partie des pièces présentées interrogeaient également notre rapport à l’image et à l’illusion : images planes de paysages recomposées en volume, dessins au fusain dont la réalité se laissait augmenter par les tablettes numériques, images environnements pénétrables, etc… Tantôt très sérieuse, tantôt amusée, la petite fille passait en éclaireur d’une salle à l’autre en nous annonçant de nouvelles découvertes en indiquant même ses préférences telles que la belle image d’une fenêtre entrouverte animée dans l’espace par un vent léger. Merci Suzanne !

Le Festival accès)s( qui se déroule cette année du 11 octobre au 8 décembre propose en divers lieux de la ville de Pau une programmation pluridisciplinaire qui alimente (depuis sa première édition en 2000) une réflexion sur notre époque. C’est encore le cas cette année où elle met en scène une vision prospective quant à la relation ambiguë que l’homme entretient avec la nature à travers des œuvres plastiques visuelle mais aussi une expérience de concert audiovisuel singulière. Le spectacle « H » créé au mois d’avril à Paris par Frank Vigroux et Kurt Haeseleer et diffusé à Pau le 12 octobre, a plongé les spectateurs qui ont pu y assister dans une atmosphère de science-fiction post-apocalyptique très troublante. L’image holographique était en quelque sorte jouée - comme on le dit d’une musique - en direct par les deux artistes auteurs qui mixaient à fois les mouvements de l’image dans l’espace en trois dimensions et la bande son qui donnait un contexte à cette apparition. Une image qui se joue et une musique qui se regarde : encore une nouvelle modalité d’existence pour des images en mutation auxquelles, une fois de plus, l’édition de cette année nous donnait accès.