Concert des Magnetix le 5 octobre 2017 au Hédas
« Elle » tape à la verticale le long des mèches de cheveux qui tombent bas sur son visage en le masquant. Sa frange reste parallèle à la caisse claire sauf quand son regard se tourne vers « lui » pour savoir quand ils décideront ensemble du break. Rien ne semble jamais acquis, l’entente se rejoue sans cesse. Tout le corps d’Agnès est farouchement engagé dans un jeu de batterie qui assure la stabilité du morceau tout en le faisant avancer là où la guitare le conduit. Looch, tout aussi présent physiquement, chante et joue avec une incroyable liberté une musique qui n’a pas peur d’évoquer l’histoire du rock pour la réinventer ou l’activer en permanence sous une forme renouvelée. Pour plusieurs raisons qui toutes convergent, le concert des Magnetix programmé au Hédas ce soir-là est une sorte de synthèse en musique de l’histoire du lieu et du présent. La soirée de pleine lune est chargée d’une intensité lumineuse et sonore incontournable. Nombreux autour de la scène, des jeunes dansent au premier rang et d’autres sont restés près de la sono parce qu’ils savent depuis longtemps que l’écoute est meilleure près de l’ingénieur son. Tous sont captivés par l’énergie de cette musique rock’n’roll garage, jouée par le duo revenu pour la soirée dans ce quartier qu’ils ont fréquenté il y a vingt ans en tant que musiciens en devenir. Quand « Elle » le laisse seul sur scène à la fin du set, « Il » pose sa guitare au sol, s’allonge à ses côtés et triturant les pédales et les cordes, il fouille à la recherche des strates de sons enfouies dans le sol à cet endroit. Des souvenirs remontent sous la forme de sonorités plaintives et de bribes musicales incertaines que certains croiront tirées du passé et que d’autres trouveront incroyablement contemporaines. Les sons saturés de la guitare font alors remonter des échos des années 80, période où le quartier était un haut lieu de la scène rock, et où une bonne partie de la jeunesse s’y donnait rendez-vous pour des concerts mémorables avant d’en être chassé par la mauvaise réputation du lieu qui perdure depuis la fin du Moyen Âge.
C’est très beau et tout sauf nostalgique.
La ville de Pau vient de s’agrandir par le centre. Le quartier du Hédas, situé en son milieu qui était devenu une sorte de point aveugle, localisable mais oublié, est à nouveau inclus dans la carte du centre ville. Toutefois, il serait dommage d’ignorer les couches accumulées d’histoires vécues qui parfois refont surface dans ce lieu construit sur l’ancien lit de la rivière qui servait d’égout à la cité au XVI°siècle. Cet ancien quartier de tanneurs malodorant est resté au fil du temps un lieu de relégation mais qui abritait des destinées singulières. On y trouve encore la trace de la maison du bourreau ou encore d’anciennes maisons occupées par les réfugiés espagnols, concentrés dans ce lieu en 1940 pour être moins visibles. Ceux qui sont curieux de cette époque peuvent s’en faire une idée en regardant le film Et vint le jour de la vengeance réalisé par Fred Zinnemann. Le film basé sur la vie de l’anarchiste espagnol Francesc Sabaté avec Grégory Peck, Anthony Quinn, Omar Sharif a été tourné dans le quartier du Hédas et évoque assez fidèlement cette tranche d’histoire du quartier.