Les peintures de papier

Une maison de village non loin de Pau, un tilleul, un jardin, les traces de l’atelier d’été juste devant la porte de l’atelier d’hiver… C’est là que vit et travaille Jean-Louis Fauthoux

Aujourd’hui nous sommes en hiver, alors on rentre et Jean-Louis Fauthoux ranime le poêle. A l’intérieur : des rangées de tamis, des étagères de boîtes de pigments et de flacons de teinture entourés de caisses de tissus de coton et de lin, classés par couleur qui remplissent les murs. Sur les tables, un peu pêle-mêle mais sans aucun doute assemblées selon ordre précis, s’entassent des piles de papiers « en couleur » parfois imprimés, presque tous fabriqués à cet endroit depuis plus de vingt ans. A l’étage, les très belles peintures de papier en grand format reposent bien à plat et conservent intacte leur présence énigmatique en attente de conditions de visibilité plus propices. Des éditions uniques d’ouvrages de poésie réalisés dans l’atelier (dont un exemplaire de L’enfer de Dante) leur tiennent compagnie. L’ampleur de ce travail et son caractère énigmatique ne viennent pas uniquement de la complexité des procédés de fabrication du papier coloré dont le peintre ne fait pas mystère. Il décrit même avec plaisir cette étape : les chiffons de lin ou de coton ont été patiemment découpés en lanières fines avant d’être transformés en pâte à papier. Une suite de gestes anodins et patients ont précédé le véritable travail de l’art qui commence au moment où le fabricant de papier devient peintre. C’est lorsque la pâte à papier est coulée dans les tamis qu’il intervient en artiste en ajoutant les différentes couleurs et parfois même des bribes d’objets aux fibres gorgées d’eau. Tantôt en imprimant un mouvement aux différentes coulures, tantôt en soufflant pour faire naître des reliefs, mais pas seulement, il influe sur les formes colorées qui agissent à l’intérieur des limites définies par le tamis. Il se tient alors, comme il le dit lui-même, à la lisière entre « maîtrise et laisser faire » pour accompagner la naissance de ce qui sera ou non une peinture de papier. Car c’est bien lui qui choisira, au vu du résultat, si ce qui est advenu et qu’il a guidé mérite ou non le nom de peinture. Certains papiers resteront à l’état d’essais, d’autres de jolis papiers décoratifs, d’autres encore serviront à construire des recueils de poésie car l’atelier est équipé d’une presse typographique, enfin d’autres rejoindront au premier étage les peintures papier prêtes à être exposées. Mais c’est toujours le peintre qui choisit et décide. Juste avant de partir, il tend un petit papier sur lequel sont imprimés ces mots de Louis-René Des Forêts, peut-être une des clés pour rentrer dans cette œuvre :

Ce ne sont ici que figures de hasard, manières de traces, fuyantes lignes de vie, faux reflets et signes douteux que la langue en quête d’un foyer a inscrits comme par fraude et du dehors sans en faire la preuve ni en creuser le fond, taillant dans le corps obscurci de la mémoire la part la plus élémentaire - couleurs, odeurs, rumeurs -, tout ce qui respire à ciel ouvert dans la vérité d’une fable et redoute les profondeurs.

Louis-René Des Forêts « Ostinato »

Monique Larrouture Poueyto