Ce jour-là

Le 15 juin 2016

Ce mercredi-là, la petite galerie est arpentée par un groupe de visiteurs d’âges variés qui circulent entre les trois salles en occupant également tout l’espace sonore : pas de silence religieux, propice à la contemplation, mais plutôt une perception en action et plutôt bavarde. Des enfants s’exclament en identifiant les signes sur les murs et en faisant comprendre aux adultes présents, eux-mêmes surpris et intéressés, que la carte au mur représente leur ville et des lieux familiers où a été prélevée toute une collection de signes visuels, graphiques et typographiques. L’installation fonctionne comme une sorte de miroir dans lequel tout un chacun peut se voir regarder.

A travers les frises d’images disposées sur les murs, l’occasion est offerte de comprendre comment des signes intelligibles pour tous peuvent émerger d’un ensemble de formes ; et combien ce passage reste énigmatique.

Ensuite, avec une spontanéité qui aurait ravi les concepteurs de l’exposition, certains d’entre eux s’approprient l’ » alphabet » de signes, mis à leur disposition sous forme de tampons pour imaginer de nouvelles compositions graphiques. Et pour finir, ils tournent plusieurs fois autour d’objets intrigants, (mi-boîtes de transport mi-mobilier d’exposition) disposés dans la première salle avant de se décider à en détailler les contenus pour s’emparer d’une partie du butin.

Ce jour-là, les visiteurs de l’exposition ne se comportent pas comme des êtres fascinés, passifs et inactifs devant le spectacle du monde et sa représentation, mais comme des auteurs capables de composer eux-mêmes ce qui est à voir et en tirer profit.

C’était bien dans ce sens qu’avaient travaillé les trois designers graphiques concepteurs de l’espace et des contenus de l’exposition. Charlotte Gauvin, Matthieu Meyer et Geoffrey Saint-Martin étaient en résidence de création au BO de mi-avril à fin-mai 2016, introduisant ainsi une parenthèse dans leur activité professionnelle. Cette pause attendue devait leur servir à approfondir une réflexion, en dehors d’une situation de commande, sur les outils et les processus de pensée à l’œuvre dans leur profession. Mais ils étaient également, tous trois, désireux de faire réfléchir les visiteurs sur leur statut de spectateur et sur ce que suppose une activité du regard, exercée pleinement dans un univers visuel surchargé de signes.

S’ils lisent ces quelques lignes ils seront probablement satisfaits : leur générosité a provoqué du répondant dans cette exposition.

Au milieu de l’abondante documentation qu’ils avaient mise à disposition du public sur la question du signe, un exemplaire de Œuvres de Walter Benjamin était ouvert à la page 348 et on pouvait lire :

« A l’approche de midi, les ombres ne sont plus que de simples bordures noires au pied des choses prêtes à se retirer sans bruit, brusquement, dans leur tanière, dans leur mystère »

Ce sont bien ces ombres, discrètement signifiantes qu’ils ont saisies au cours de cette résidence à Billère et fixées sur les cartes postales en noir et argent que les visiteurs pouvaient emporter en souvenir.