Partager le regard
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Lors d’une récente conférence, Aurore Méchain, nouvelle directrice du Musée des Beaux-Arts de Pau, anciennement directrice adjointe du Musée Soulages de Rodez, rapportait quelques propos sur l’art de cet artiste qu’elle connaît bien. « Quand on évoque une œuvre d’art, affirme-t-il, on parle de trois éléments : de la chose que c’est, de la volonté de celui qui l’a faite et de celui qui la regarde » . Il semble qu’elle ait fait sienne cette opinion car l’exposition de la collection Quasar, accueillie actuellement au musée, sert à la fois la matérialité des œuvres, les idées qui les sous-tendent et les différents types de points de vue portés sur elles. Plusieurs regards à l’œuvre donc : ceux des visiteurs mais aussi ceux d’Anne-Marie et Jean-Jacques Lesgourgues qui ont réuni cette collection en compagnie d’un complice, l’artiste et théoricien Stéphane Hazera et enfin ceux des personnes qui ont pensé l’accrochage avec le commissaire de l’exposition Emmanuel Lesgourgues.
Dans toutes les salles de l’étage, le public est mis en présence de peintures et de sculptures dans une sorte de corps-à-corps très singulier mais favorable à la confrontation. La plupart des pièces de grand format sont installées assez bas, comme des miroirs en pied elles se prêtent au vis-à-vis avec les « regardeurs ». Les cimaises n’ont pas entièrement disparu mais elles sont complétées par des structures en bois brut rappelant des chevalets, disposées en quinconce au milieu des salles. L’arrière de certaines toiles est visible, on peut y lire des numéros d’inventaire, des dates d’acquisition et des références de classement. L’ensemble du dispositif évoque la visite d’atelier et la rencontre avec le travail de l’art évoquées par les collectionneurs eux-mêmes dans de nombreux documents présents dans l’exposition. À son tour, le visiteur est invité à partager activement cette expérience esthétique. Pour cela une certaine lenteur est nécessaire ; impossible de se faire une idée d’ensemble rapide en arpentant les différentes salles car souvent une toile en masque une autre, réservant à chaque détour la surprise d’un rapprochement inattendu. Des cartels mentionnent tantôt des noms qui font référence et tantôt d’autres qui sont moins connus ; cependant les œuvres sont toutes à la hauteur du dialogue qui s’installe entre elles à travers formes, couleurs matière et même présupposés théoriques. Cette particularité confère à l’exposition une dimension originale replaçant la création dans le contexte d’une époque qui va des années 80 au début du siècle sans vraiment tenir compte des normes artistiques et des circuits économiques dominants à cette période. C’est dans cet état d’esprit que s’est construit l’espace d’exploration exigeant et engagé qui a permis de suivre sur une durée de vingt ans l’évolution de jeunes artistes pour constituer la collection.
« Tu vois c’est parce qu’on avait pas accès à cette culture visuelle à l’époque qu’on est partis la chercher ailleurs » disait une ancienne étudiante en art, le jour du vernissage. Désormais un bâtiment rénové relie le musée des Beaux-Arts et l’École Supérieure d’Art et de Design ; la jeune création devrait s’en trouver dès lors stimulée
Monique Larrouture Poueyto
déc. 2019