D’égale à égal

Le jeudi 4 février 2016, une journée d’étude « Artistes-femmes : les formes de l’engagement », la première d’un cycle de trois, s’est tenue à l’UPPA. Elle réunissait des enseignants, des chercheurs, des critiques d’art et des artistes venus témoigner de leur travail. Comme le montre le programme, la grande variété de situations et de propositions décrites incitait à dépasser la notion d’un art dit féministe ou d’une spécificité féminine en matière de création artistique. Cependant, plusieurs contributions, celle des artistes et celles des historiens de l’art, montraient que bien des interdits et tabous socioculturels apparemment levés persistent, et qu’il est encore nécessaire de résister à une forme de masculinité hégémonique dans les circuits de diffusion de l’art contemporain. Actuellement les étudiantes en école d’art sont majoritaires, mais on compte seulement 30 % de plasticiennes dans les grandes expositions ou dans les galeries1. Le milieu de l’art continue de soutenir les artistes hommes, leur accorde plus de confiance, et la proportion d’œuvres d’artistes femmes exposées dans les collections permanentes des grands musées reste très faible.

Au cours de la journée d’étude cette situation a été largement évoquée, mais pas seulement, et pour cela « les unes et l’autre » (sic) avaient adopté un ton apaisé bien que ferme et lucide, tout à fait ajusté au propos annoncé. Il s’agissait d’éviter une double réduction interprétative, féministe d’une part, essentialiste de l’autre et ce fut le cas… Les images projetées montraient tout simplement une production artistique diverse, multiple, éclectique, à l’image de l’art contemporain des trente dernières années. Une conclusion s’imposait : l’idéal serait que dans un avenir proche, il ne soit plus nécessaire d’attribuer d’emblée un travail d’artiste à une femme, pas plus qu’à un homme.

Virginia Woolf dans Un lieu à soi, l’un des premiers grands textes féministes, retraduit dernièrement par Marie Darrieussecq, écrit :

« (…) il est néfaste pour celui ou celle qui écrit de penser à son propre sexe. Il est néfaste d’être purement et simplement un homme ou une femme. Il faut être masculin–féminin ou féminin-masculin. » 2

A travers cet ouvrage, très drôle, elle présente plusieurs façons d’être féministe sans se contredire tout en s’exprimant à la fois avec une ironie mordante et une grande fluidité. Elle ne propose pas une solution définitive mais plutôt une attitude qui renouvelle le questionnement, et reste valide encore aujourd’hui.

Deux éditions du cycle de recherche sont encore à venir dans les deux prochaines années. Il faut espérer qu’il puisse se conclure par une exposition qui serait l’occasion de voir et de décider ou non de la nécessité d’accorder le mot artiste au masculin ou au féminin.

Monique Larrouture Poueyto

1 DUMONT Fabienne, Des Sorcières comme les autres : artistes et féministes dans la France des années 1970. Rennes : Presses Universitaires de Rennes, 2014, 568p.

2 WOOLF Virginia, traduction de DARRIEUSSECQ Marie, Un lieu à soi, Paris : Denoël, 2016, 176p. (Empreinte)