En prolongement des expositions, les Extras du Bel Ordinaire offrent un point de vue augmenté sur le travail d’un·e artiste, donnant à voir et à comprendre ses coulisses, son contexte, des entretiens ou des vidéos

Cet extra a été produit dans le cadre de Nuits blanches et jours laiteux, une exposition de Claire Dantzer, du 22 septembre au 22 janvier 2022

Ce que la posture verticale a apporté à l’homme, c’est entre autre la possibilité de lever le nez vers le ciel pour regarder les étoiles. Mais si la vue s’est ainsi considérablement développée au fil de l’évolution, c’est au détriment d’autres sens, comme l’odorat et l’ouïe, tous deux associés à l’instinct de survie et à une animalité dès lors réprimée, si ce n’est refoulée.

Si, lors de sa résidence au Bel Ordinaire, Claire Dantzer a décidé de focaliser son attention sur le bruit qu’émettent les étoiles lorsqu’elles chutent plutôt que sur leur tracé lumineux dans le firmament, pourtant oh combien poétique, c’est peut-être justement pour cette raison-là. Pour ranimer une part d’intuition qui sourde en chacun de nous comme un épiphénomène diffus et impalpable. Or, le centre névralgique de son installation, aussi massive et matérielle qu’elle puisse paraître, avec ses parallélépipèdes aux allures de stalactites géantes et ses petits stalagmites isolés mimant une chambre anéchoïque, demeure une sorte de point aveugle. Qui peut se targuer d’avoir déjà entendu une étoile tomber ? Les mystérieux chuintements provenant des enceintes qui amplifient le signal d’une radio amateur captant la trajectoire d’une astéride peuvent en attester : la représentation de cette chute est conceptuellement difficile à avaler.

Et pourtant, quelle ardeur, j’oserais même dire quel labeur l’artiste a déployé pour tenter de nous figurer l’irreprésentable. Tailler, mouler, poncer, re-poncer, puis peindre des formes qui évoquent une géologie blanche et crayeuse, avec ses mouvements souterrains brusques et ses saillies semble avoir été une routine forcée, quasi une discipline que s’est donnée l’artiste. Ce vocabulaire d’angles droits et d’arêtes tranchantes hérité des minimalistes nous rappellent la violence avec laquelle l’homme s’est érigé en maître pour proclamer sa domination sur les autres espèces. La capacité de ces modules à se hisser, voire à se hérisser comme le ferait un animal attaqué nous ramène à cette position initiale du corps, dressé dans l’espace, qui est aussi celui du spectateur. Sans parler de l’antenne, elle aussi invisible, mais bel et bien plantée sur le toit du centre d’art en guise de totem intergalactique.

Je ne saurai dire ce qui dans ce travail m’émeut le plus. Peut-être est-ce cette faculté du vivant - car nous sommes aussi constitués de nanoparticules provenant de la voie lactée - à se rappeler à nous coûte que coûte, malgré que nous fassions si souvent la sourde oreille. J’avoue avoir été assez séduite à l’idée que les sculptures qui habitent momentanément l’espace d’exposition aient vocation à devenir des cabanes à oiseaux, disséminées dans la nature. L’humilité que revêt cette proposition artistique m’enchante presque autant que la promesse d’un jour ouïr le chant des étoiles filantes.
- Septembre Tiberghien, critique d’art et commissaire indépendante

Extra!

Nuits blanches et jours laiteux

— Claire Dantzer

Inspirations

Extra!

Nuits blanches et jours laiteux

— Claire Dantzer

Premiers mouvements

Claire Dantzer

Extra!

Nuits blanches et jours laiteux

— Claire Dantzer

Production

de janvier jusqu’au 21 septembre 2021

Extra!

Nuits blanches et jours laiteux

— Claire Dantzer

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