Le travail que je projette de mener au Bel ordinaire, dans le cadre de ces quelques semaines de résidence réparties sur l’année 2019, vient s’inscrire dans la continuité de ce que j’ai pu élaborer ces dernières années, à savoir une interrogation du proche, du banal, du commun, de l’ordinaire. Recenser, explorer, questionner et ré-envisager les signes qui nous entourent au quotidien : les lettres, les mots, les discours, les lignes, les surfaces, les textures.
Il y a des projets qui contiennent encore du texte, mais une majorité se sont « émancipés », « évadés » de la question de la lecture, ou plus particulièrement des lettres, parce-que je viens de là. J’ai été formé et formaté à dessiner des lettres, à réaliser des commandes avec des lettres, de l’écriture, de la lecture. L’intérêt pour moi de cette exposition c’est justement d’aller là où je n’osais pas aller avant, c’est à dire vers quelque chose qui concerne le langage visuel. Il y a des syntaxes de forme, mais il n’y a plus de texte, ou peu.
Les formes que je vais proposer sont à l’origine non déformées, et mon système permet de les déformer, de commencer à les altérer, à les contredire ; c’est un travail de contradiction. Je m’amuse à jouer avec les ordres, c’est à dire à déjouer les ordres. Cela m’a beaucoup aidé de trouver le titre de l’exposition, Contre-ordre, et de pouvoir m’appuyer dessus car il cache et révèle tout un programme.
C’est le bon titre qu’il me fallait pour déployer le projet que j’avais en tête parce-que tout commence à se relier, toujours sur ces questions de prendre un ordre, de commencer à le retourner, le dévier, le contredire, et alors soit il nous amène ailleurs, soit il devient joyeux parce qu’il y a de la rébellion, soit on peut avoir le choix de remettre les choses en ordre – car il y a le public – ou d’amplifier le désordre. J’aime aussi l’idée de proposer une liberté au public car il n’est pas face à des œuvres figées et je lui propose de prendre la main sur ce qui lui est proposé. En tant que public, on est invité à recomposer la proposition, reformer le signe de départ – un peu comme un puzzle – mais on peut désobéir, et j’espère qu’il n’y aura pas que des personnes obéissantes.