« Pour l’exposition Foresta au Bel Ordinaire, je me suis inspiré d’images de la nature du sud-est des États-Unis, du bayou.
À la suite d’un voyage en Floride et en Louisiane durant l’été 2018, j’ai été marqué par la flore si particulière de ces régions. Le dessin reprendra des images de cyprès chauves, de chênes, saules, et de mousse espagnole, ainsi que les étendues d’eau marécageuse et leurs nénuphars, jacinthes d’eau et lotus américains.
Comme dans mes fresques précédentes, le dessin rejouera une mise en scène archéologique. Le mur est tapissé de plusieurs couches de papier peint, semblable aux murs d’anciennes maisons dans lesquelles plusieurs générations ont posé du papier peint sans prendre la peine de retirer le précédent. En découvrant les motifs des papiers recouverts, se forme un jeu de masses et de contrastes, participant à l’élaboration du dessin. Les différentes couches sont grattées, déchirées, découpées afin de créer une perspective, de la profondeur, un nouvel espace au sein de celui du mur.
Telle une fouille archéologique, le dessin terminé est abandonné à son état final, les poussières du papier et ses différents morceaux laissés au sol. »
On l’aura deviné, le support de prédilection de l’artiste est le papier peint. Si Vincent Chenut vient du dessin, il met cette pratique à l’épreuve de sa technique et d’un geste sculptural qui consiste à gratter et à évider une matière de sa substance.
Il installe et superpose des couches de papier peint qu’il gratte avec un outil. Ces gestes de recouvrement puis de retrait de matières laisseront apparaître le dessin.
Pour en arriver là, il va travailler avec la « technique de la mise au carreau » pour reproduire son dessin en petit format par projection murale : il trace des carreaux avec du fil sur son mur de strates de papier peint, il quadrille ce territoire et va à l’intérieur pour effectuer à l’aide de ses gouges et cutters, l’agrandissement de son dessin. C’est une projection sans vidéoprojecteur d’un quadrillage de fils de cuisine qui seront enlevés après l’apparition du dessin reproduit.
En véritable archéologue, Vincent Chenut révèle des couches antérieures de vies passées, des strates d’existences, et, pour citer Marie Cantos, « réactualise la question de la représentation à travers la figuration comme l’abstraction. Comment rendre compte de l’épaisseur des choses ? Comment matérialiser le feuilletage infini de l’existant, tissus humains, strates géologiques, etc. ? » Probablement par ce geste excavateur qui arrive dans sa pratique dès ses toutes premières interventions et une série qui représentait sa chambre (Ma chambre, 2009) tout en renvoyant à celle de Van Gogh à Arles. La violence dans le trait des dessins à la plume du peintre, lui feront penser à des coups de cutter dans des feuilles de papier et signeront sur lui l’influence de Van Gogh.