Une cabane dans un pommier, une cabane suspendue entre trois chênes avec terrasse et garage, une cabane à thé japonaise, une sorte de hutte à sudation, La Cabane — celle où on habite —, l’atelier, la cabane avec Guillaume qu’on a jamais réussi à faire, la cabane-tipi, la cabane du port de Saint Vivien. Voici l’inventaire des cabanes que j’ai construites avec mon père ou que je l’ai vu construire. Aujourd’hui il voudrait faire une cabane entre les deux pruniers qui sont au fond du jardin, 5 mètres par 4, avec le rocking chair et un coin pour la sieste. J’aimerai bien l’aider mais je n’arrive pas à trouver le temps de le faire. Il a déjà presque tout dessiné, il faudrait juste faire le détail des assemblages. Ce serait possible de faire une ossature démontable, d’inviter mon père au BO, d’y construire la cabane dans la galerie éphémère, on pourrait y accrocher des décors en trompe l’œil peints sur de la toile — comme ceux pour le spectacle à la salle des fêtes — on pourrait y exposer ses objets — ceux qu’il collecte et ceux qu’il assemble. Pour ça il faudrait dix jours de préparation et dix jours de chantier-exposition. Ça fait beaucoup mais je lui en parle, il est enthousiaste mais incrédule et un peu inquiet. On se dit qu’on se laisse le temps d’y penser, qu’on se rappelle dans un mois.

La première maquette du livre Quelques objets bien disposés que j’ai faite lors de ma résidence au BO en février dernier a bien reposé. Il est temps de reprendre le pâton et de malaxer. En mai, j’ai entendu Georges Didi-Huberman dire à la radio qu’une bonne conversation entre les images nécessite qu’elles soient au moins trois, il a peut-être raison, il faudrait que j’essaie.
Les bâtons en Y transformés en joueurs de tennis, les cannes avec des dessins d’écorce qu’on emmenait à la chasse aux champignons, la tête en pierre sculptée par mon frère qui trônait à l’entrée de la cabane, les tessons en argile dont il raconte les histoires exactes ou hypothétiques. Beaucoup des objets que j’ai photographiés lors de mon premier séjour, lorsque je les regarde à nouveau, se reflètent en moi et je me rend compte qu’ils font aussi partie de mon passé. J’entre un peu plus dans le livre.

Je repense à la cabane et je me dis que je ne suis pas prêt, j’appelle mon père, lui dis, il est d’accord, il est soulagé je crois.

Dans cette nouvelle résidence au Bel Ordinaire je vais reprendre la première maquette du livre, je voudrais essayer de nouvelles compositions et d’y faire entrer le texte et la couleur. Cette année, lors d’un voyage en Sicile — d’où vient une partie de la famille — et dans de belles discussions avec mon père, j’ai mieux compris certaines choses et j’aimerais les écrire.