Mon père a décidé de vendre la maison où il vit. À cette occasion je retourne passer quelques temps chez lui. Je découvre alors que sa mémoire se trouble et je me mets à investiguer la maison à la recherche des souvenirs, questionnant avec lui chaque objet rencontré.
Durant sa vie mon père a réuni des objets auxquels il donne une importance particulière. Il les agence chez lui, sur les étagères, en de méthodiques compositions. Ces objets spéciaux cohabitent avec les livres, les tasses, les brosses à dents et les objets du quotidien. Rien ne les distingue des autres, seulement l’attention qu’il y porte. Ce sont des choses hétéroclites : tessons de poterie, assiettes anglaises, outils anciens, peintures, sculptures, céramiques, emballages plastiques avec des formes particulières et papiers brillants de chocolat. Chaque jour il compose avec ça des installations minimales qui donnent vie à la maison.
À côté des objets qu’il collecte et dont il prend soin, mon père dessine et sculpte. Il utilise des matériaux récupérés qu’il détourne et assemble. Il dessine sur les sculptures et colle des matériaux dans ses dessins, sans faire de frontières. C’est un art modeste qu’il n’a jamais réellement montré.
Pendant plusieurs semaines je suis installé chez lui. Je photographie les objets, les meubles, les murs de la maison, son jardin et lui-même. À table nous parlons, on se pose des questions sur la vie, sur l’amour et d’autres choses. Le travail, l’accomplissement, « se réaliser », sont des choses dont il me parle souvent. Il parle aussi beaucoup des paysages d’où il vient : l’Algérie, la Tunisie, les ânes, les oasis et les déserts.
Dans le projet d’édition que je développe au Bel Ordinaire je présente des photographies de ces objets accompagnés de dialogues autours de leurs histoires.