Une histoire de fleur ?
Au Bel Ordinaire, j’ai envie de mener un travail pour la création d’une édition expérimentale, imprimée en partie en sérigraphie, qui mêle typographie et illustrations sur la notion de la pensée visuelle et des écosystèmes. J’aspire à créer des formes graphiques pour illustrer une fiction évoquant les processus biologiques de végétaux. Les formes du vivant sont le résultat de millénaires de coexistence et d’adaptation simultanée. Ces formes et couleurs sont des outils de communication. Par exemple, celles présentes autour du pistil de certaines fleurs jouent le même rôle que les phares en plein mer : elles indiquent une piste d’atterrissage pour les insectes pollinisateurs dans leurs courses effrénées. Le but est de réfléchir à l’agencement visuel d’un récit, à une constellation narrative et de questionner le support éditorial comme un espace de flux de pensée qui peut apporter un outil de compréhension de l’intrigue.
Comment une fleur agencerait elle une histoire ? Comment une mise en page évolue en fonction du texte qu’elle comporte ?

Ce processus d’imitation de la nature permet de réfléchir à de potentielles ressemblances poétiques entre une logique narrative humaine et la logique d’évolution non humaine. Pour cela, j’ai donc écrit une histoire avec un point de vue omniscient, basée sur le fonctionnement biologique d’une plante et j'aimerais créer une mise en page qui reflète ce fonctionnement. Lorsqu’il pleut, comment le récit pourrait en être modifié ? S’il fait chaud, comment la mise en page peut évoluer ?
La première préoccupation est esthétique, car il s’agit de représenter l’intelligence des plantes et de chercher des formes nouvelles qui donneraient lieu à des systèmes graphiques. La seconde est liée à la technique d’impression de la sérigraphie, qui par sa nature matricielle, met en jeu les correspondances, les réseaux.
À l’issue de la résidence, je proposerai plusieurs exemplaires de l'édition qui donnera à voir l’ensemble de cette recherche menée au BO.

Après ma résidence, juin 2025:
Comment l’objet livre raconte-t-il une histoire ?
Comment mettre en valeur la multiplicités de phénomènes dans un d’éco-système - réseaux ?
Ces questions, entre beaucoup d’autres, dirigent l’ensemble de mon questionnement graphique.

Lors de cette résidence au Bel Ordinaire, j’ai cherché à rendre visuellement, par le gris typographique, plusieurs phénomènes biologiques d’une graine qui devient fleur (récit-fiction). Sans chercher une restitution schématique applicable mécaniquement à tous les récits de plantes, j’ai travaillé à créer un objet éditorial qui relève plus de l’association, du ressenti.

Néanplus*, voici, les pistes de recherches pour répondre à cette problématique de schématisation typographique :

Lorsqu'il fait chaud, l'interlettrage augmente. (+300) En référence à nos veines humaines qui se dilatent sous une haute température.
Lorsqu'il fait froid, l'interlettrage se resserre. (-25 ) En référence à nos veines humaines qui se rétractes si la température est basse.
Lorsqu'il pleut, les lettres imitent le mouvement de la pluie qui rebondit. (-2 / 0 -/ +2) En référence à la vision microscopique d'une goutte d'eau sur le sol qui rebondit en minuscules gouttes sur le sol.
Lorsqu'il y a du vent, les lettres s'inclinent sur un axe droite - gauche grâce à l'outil de déformation d'axe. (-44 / +44)
En référence aux cheveux dans le vent, aux mouvement des branches des arbres.
Lorsqu'il y a de l'orage, les lettres évoluent aléatoirement sur l'échelle horizontale. En référence à la surprise que provoque les éclairs, à l’alternance d’alchimie et d’accentuation de la pluie lors des tempêtes.
Lorsqu'il fait jour le corps du texte a un retrait de paragraphe de 3cm à gauche. En référence à la face cachée de la Lune.
Lorsqu'il fait nuit le corps du texte a un retrait de paragraphe de 3cm à droite. En référence à la face cachée de la Lune.
Lorsqu'un fruit grandit, les lettres prennent de la graisse. En référence aux pétales qui durcissent pour tomber.
Lorsqu'un le récit s'apparente plus à une parole générale, la typographie est autre. En référence à la mémoire ancestrale de la Nature présente en chaque non-humain et humain.
Lorsque la défloraison arrive pour l'interlettrage augmente ainsi que l'opacité de la lettres. En référence à la mémoire ancestrale de la Nature présente en chaque non-humain et humain.
Lorsque le récit est graine, le corps du texte prends la forme ovoïdale. En référence à la forme de la gestation.
Lorsque le récit est plantule, le corps du texte s’éparpille. En référence à la respiration, l’interpénétration.
Lorsque le récit est fleur, le corps du texte se dissout pour devenir citation-image, instant de pollinisation. En référence au rythme imprévisible des insectes pollinisateurs qui touchent la fleur.
Lorsque le récit est devient fruit, le corps du texte devient bloc. En référence à la concentration de la chair du fruit.
Lorsque les interruptions sont littérales, le papier est d’un format différent et d’une couleur différente. En référence aux mélanges spontanés qui nous entoure : au compost d’idées.

*mot créé par les artistes en résidence au Bel Ordinaire le samedi 7 juin 2025.