Mon travail est traversé par la mise en scène dans les environnements naturels et urbains que je rencontre. Je mets ces actions éphémères en place en suivant un protocole de travail : une personne, un lieu et un habit avec l’intention d’interroger la manière dont nous pouvons faire corps avec notre environnement. Dans ma série photographique Habit-A, le vêtement est un moyen d’interroger le corps ; corps moral, politique, physique et psychique. Je mets en scène des sculptures vivantes. Le corps est dissimulé dans l’espace par mimétisme des formes et des couleurs. Ce sont des actions de courte durée, des performances réalisées en solitaire, que je mène moi-même dans l’intention d’incarner le paysage. Je suis immobilisée sous un vêtement pour imiter l’architecture précaire à côté de laquelle je me place. Je mesure l’espace avec mon corps ; en échos aux théories de l’architecte Romain Vitruve pour qui le corps humain est le point de référence à partir duquel l’architecture est construite.

En janvier, lors de ma première résidence de recherche au Bel Ordinaire, j’ai découvert le Village Emmaüs, près de Pau. N’ayant pas pu approfondir cette exploration à l’époque en raison d’un projet déjà défini, j’ai néanmoins effectué un premier repérage des habitations de petite échelle. Aujourd’hui, le BO m’accueille à nouveau pour un court séjour afin d’y réaliser des mises en scène photographiques pour mon projet Habit-A.

L’habit est notre premier habitat, notre seconde peau. À travers cette série, j’explore l’idée de l’abri – textile ou architectural – à la fois comme symbole de protection et de vulnérabilité. J’interroge la frontière entre dedans et dehors, cet entre-deux où l’environnement et l’individu se rencontrent.

Village Emmaüs mettra à ma disposition des vêtements pour mes mises en scène. Ces photographies viendront enrichir la série Habit-A, lui offrant ainsi une perspective géographique plus large. J’ai également prévu de poursuivre le projet Habit-A lors d’une résidence en Lituanie en octobre 2025 et en janvier 2026.

Après mon séjour de recherche, avril 2025:

Pendant mon séjour de recherche au Bel Ordinaire, j’ai poursuivi le développement de ma série photographique au long cours, Habit-A.
J’ai arpenté le village Emmaüs à Lescar, en prenant le temps d’observer ces habitats précaires, parfois construits avec peu de moyens, d'autres plus spectaculaires, très colorés, ou encore de simples caravanes modestes. Je me suis rendue dans la réserve d’Emmaüs — là où les vêtements sont triés avant leur mise en vente — pour y choisir avec soin des pièces, en prêtant une attention particulière à leurs couleurs, en écho aux teintes des habitations rencontrées dans ce véritable petit village.

Le fait de pouvoir revenir et recommencer mes mises en scène dans les mêmes lieux, pendant une semaine, m’a permis de mieux connaître l’environnement et ses détails. La météo n’était pas toujours clémente — trop de pluie, ou au contraire un soleil trop fort — ce qui m’a donné envie de revenir à une autre saison, pour capter différemment les couleurs du ciel et de la végétation.

Jour après jour, j’ai commencé à remarquer les petits objets déposés devant les façades ou accrochés aux murs : des pots de fleurs, des marionnettes décoratives, des chaussures sur le pas de la porte… Cela m’a amenée à la conclusion qu’il me faudrait revenir à nouveau, avec cette expérience du lieu désormais acquise. L’idée serait de me mettre en scène devant les habitats qui me touchent le plus, en laissant de côté ceux qui sont trop spectaculaires ou colorés. Je souhaite intégrer dans mes mises en scène des objets glanés à Emmaüs, pour mieux maîtriser les correspondances entre l’habitat et la figure que j’y incarne. Cette nouvelle semaine de recherche est passée très vite, mais je ressors reconnaissante de cette expérience qui m’a permis de faire avancer ma réflexion sur la série Habit-A, ainsi que sur ma manière de travailler.