Synchromisme, rencontre entre le musicien Alexis Toussaint et la plasticienne Reyna
En mai 2021, Alexis Toussaint et Reyna travaillent en résidence dans l’atelier de la plasticienne sur une approche d’improvisation génératrice.
La proposition de recherche du musicien est faite sur une batterie préparée, augmentée de systèmes électro acoustiques : trois jours d’exploration à partir de mots clefs tels que corps, ombre , initiation, pouvoir …
En synchronisation permanente, les deux artistes développent des pièces sonores, musicales et plastiques en écho l’une de l’autre. Fin juillet 2025, le duo se retrouve dans ce même atelier et préfère travailler sous la forme d’improvisations idiomatiques. Se posent ainsi des modes de jeux autour de l’expérience sensorielle. 5 axes de création sont alors imaginés : son/texture, son/couleur, son/figuration/corps, son/volume-son/sculpté, couleur/son. Le synchromisme * et la synesthésie pour la plasticienne, la musique spectrale** pour le musicien sont des références qui sous-tendent leurs recherches.
Au Bel Ordinaire, le duo Alexis Toussaint & Reyna va mettre à l’épreuve des systèmes expérimentaux afin de déterminer la pertinence et la potentialité de tels mécanismes de création. Le projet est de réaliser une performance de 15 à 30 min en combinant un ou plusieurs axes de recherche en fonction des lieux et des circonstances de présentation (festivals, salle de spectacle, thématiques muséales…).
La finalité de l’échange des deux artistes est de faire entrer le public dans un principe de correspondance, de synchronicité sensorielle, installé dans le présent et non reproductible.
*Synchromisme : contraction de symphonie et chromatisme, mouvement artistique fondé à Paris en 1912 par
les artistes américains Stanton Macdonald-Wright et Morgan Russell. Leurs « synchromies » abstraites, basées sur une approche de la peinture qui associait la couleur à la musique, ont été parmi les premières peintures abstraites de l’art américain.
**Musique spectrale : terme inventé par Hugues Dufourt en 1979. La musique spectrale est principalement basée sur la nature du timbre musical et la décomposition spectrale du son musical, à l’origine de la
perception de ce timbre….on peut dire que les compositeurs de musique spectrale sont les musiciens du son et non de la note. https://classic-intro.net
Après notre séjour de recherche, novembre 2025 :
Durant ces cinq jours, nous avons pu éprouver nos recherches sur cinq improvisations idiomatiques. Certaines d’entre elles se sont avérées rapidement très porteuses pour nous.
Notamment l’axe Texture : la toile tendue sur châssis devenue un véritable tambour géant, équipée de micros à son dos, permet une correspondance de son/geste/outil avec une grande richesse de sons. Les pinceaux spalter, couteaux, pains de pastels, bâtons de fusain repris par la batterie augmentée donnent un rythme et une tessiture que nous avons validés.
L’axe Figuration, repris trois fois, permet d’entrer dans un univers émotionnel aussi bien pour le musicien que pour la plasticienne. La musique évolue avec la dynamique et/ou l’expression des «personnages». En écho, l’intensité dramatique du dessin/peinture se nourrit de l’énergie de la musique. La difficulté pour la plasticienne est le principe d’improvisation pure : ne pas reproduire des images initiales ou déjà conçues.
L’axe Sculpture enchaîné avec le précédent a très bien fonctionné après l’avoir expérimenté plusieurs fois. Ce qui devient important dans cet axe : le son provoqué par le papier déchiré, plié, piétiné, rassemblé, développé dans l’espace doit être générateur du départ de la pièce musicale du musicien pour être vraiment efficace. Peut-être faudrait t’il imaginer un moyen d’amplifier ces sons ?
Enfin, deux autres axes ont été essayés : les axes qui mettent le plus en avant la synchronicité de la création des sons avec les couleurs.
L’axe Spectrographie demande au plasticien de suivre le son dans toutes ses caractéristiques (fréquences, intensité, tempo…). Dans cet exercice, un langage de correspondance couleurs /sons (subjectif certes, mais permanent dans la perception synesthésique de l’artiste) est identifié :
- Au noir et au bleu correspondent les graves et sons profonds de la percussion.
- Au rouge et au jaune correspondent les aigus qui scandent la musique.
Avec ce vocabulaire simple apparaît une composition abstraite saturée et très structurée, appuyée par la variation des outils plastiques.
Vient le dernier axe Immersion . La lumière colorée de projecteurs sature l’espace de l’atelier ou du lieu de la performance. Cette immersion chromatique va influencer le musicien et entraîner un univers musical spécifique. Sur cette musique, la plasticienne fait un travail pictural de la même couleur que la lumière installée dans l’espace. Le musicien ne peut donc pas voir ce que son binôme réalise, il ne perçoit que sa gestuelle. Il peut ainsi se centrer sur son jeu de sons et sa propre perception intérieure. À la fin, la lumière blanche est rétablie. Le travail de la plasticienne se révèle.
Les cinq axes définis ont été assidûment travaillés. Après les avoir mis à l’épreuve, nous souhaitions proposer le résultat à un public. Le Jeudi 30 octobre de 19h à 19h45 une dizaine de personne est invitée à assister
à une performance qui réalise le déroulement en continu de quatre axes. La préoccupation du duo Alexis Toussaint & Reyna était de tester la validité et l’intérêt pour un public à assister à cette expérience.