Dans le cadre des résidences de recherche au Bel Ordinaire, j’aimerais travailler à l’élaboration d’une expérience curatoriale qui réunisse le récit, la marche et le paysage.
Il s’agit d’une expérimentation encore inédite pour moi, que je souhaite développer spécifiquement dans le cadre de cette résidence. J’aimerais concevoir une conférence-performée sur le thème de la marche, du territoire et du paysage.
Marcher, ça ne coûte rien et tout le monde sait le faire. Marcher, constitue une expérience intime et quotidienne. On marche, sans but ou d’un point A à un point B, on laisse se dérouler nos pensées, et on constate que notre esprit s’est mis, lui aussi, en marche. Chacun en a déjà fait l’expérience, marcher et penser sont deux activités intimement liées.
Pour s’accomplir, ce mouvement quotidien si anodin, réclame de se mettre en danger, de se pencher en avant jusqu’à la chute. Marcher, c’est donc fondamentalement, et à chaque pas, se mettre en mouvement, tout remettre en jeu. Tout geste artistique peut ainsi être compris comme une réponse à cet impératif initial. Mais encore, puisque réfléchir c’est marcher dans sa tête et que marcher permet d’accoucher de ses idées, la marche peut constituer une méthode en soi, un processus de création.
Plus lente que les moyens de locomotion mécaniques, la marche permet d’apprécier le paysage, de connaître une contrée, une province. Le fait d’arpenter un territoire constitue un moyen de le construire et d’en dessiner la carte. D’en dépeindre le pays, d’en peindre le paysage. Une carte résulte toujours d’une interprétation, d’une vision subjective d’un territoire, comme un tableau, elle est une construction qui résulte de choix de représentation.
La résidence au sein du Bel Ordinaire à Pau sera l’occasion d’expérimenter - en tant que commissaire d’exposition - des manières de faire exister le travail des artistes hors des murs d’un centre d’art et de l’inscrire dans un paysage. L’objectif de la résidence serait de produire un texte qui aurait une existence publique en prenant la forme d’une conférence-performée présentée dans les environs de Pau, en tant que restitution de la résidence. Cette conférence-performée prendrait la forme d’une marche publique au cours de laquelle le texte est interprété.
Après ma résidence, novembre 2019
A l’issue d’une première semaine de résidence, ma recherche s’oriente dans deux directions différentes. On peut dire qu’il s’agit de la « prise de forme », ou de manifestations, d’une seule et même recherche, comme les ramifications d’un seul arbre.
À l’origine, il y a mon intérêt pour la marche comme méthode ou protocole de création artistique, et comme motif de représentations artistiques. Cet intérêt croise ensuite un impératif contemporain lié à l’urgence climatique : comment continuer à créer, à produire des formes et à « faire œuvre », c’est-à-dire laisser une empreinte mémorielle (l’expérience de l’art) tout en laissant une empreinte carbone réduite.
D’une part, j’ai commencé à donner corps à mon désir d’expérimenter des modalités d’expositions qui soient immatérielles et performatives. Ici, sous la forme d’une marche au cours de laquelle je ferais apparaître des œuvres par le langage, en les racontant à un auditoire de marcheur-euse-s. J’ai constitué un corpus d’œuvres historiques qui pourraient se prêter à l’exercice, puis j’ai fait des recherches d’itinéraires dans la ville de Billère. Son paysage est typique des zones péri-urbaines de France, avec les zones artisanales, la route départementale, la voie de chemin de fer, la rivière, les espaces verts, les zones pavillonnaires… J’ai identifié des « stations », c’est-à-dire des endroits où un paysage (comme construction du regard) apparaît, et qui peuvent servir de toile de fond à l’évocation d’œuvres issues du corpus, soit parce que celles-ci s’y rapportent formellement ou bien conceptuellement.
D’autre part, suite à la rencontre avec des acteurs culturels du territoire, se dessine l’idée d’une exposition à la Cité des Pyrénées qui pourrait avoir lieu au printemps 2021. Cette fois-ci, il s’agira de travailler avec des artistes dont le travail fait directement écho aux problématiques que j’évoque plus haut. L’exposition aura une forme classique, donc matérielle, mais présentera des œuvres qui mettent cette matérialité en tension.
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