Depuis un certain temps, je questionne notre manière de fréquenter, d’habiter et de concevoir des espaces. En lien avec mes divers vagabondages, les lieux peuvent être à la fois urbains et naturels, architecturaux et domestiques, mentaux et fantasmés. Ils sont pour moi des matériaux à part entière, où des rencontres peuvent se produire successivement et succinctement.
Tout en me déplaçant sur ces sites, je m’applique à capter et à récolter les indices de mes futures productions. Cette manière d’arpenter les lieux m’amène ensuite à travailler la photographie, le dessin, la sculpture et l’installation. Dans tous les cas, je m’attache à mieux comprendre mon environnement direct en puisant dans ce qu’il me propose.
Récemment, mon intérêt s’est porté sur les objets caducs: une forme de sacralisation de rebuts « inanimés », dépassant l’indifférence récurrente que l’on peut avoir envers ces matières. À mes yeux, les objets sont d'ailleurs aussi des espaces, qui nous permettent de nous projeter dans un imaginaire, soit collectif, soit individuel. J’aspire aujourd’hui à mettre en évidence des éléments sous des formes différentes. Une intention qui fait suite à mon exposition personnelle L’instant de plus en 2021. Les diverses propositions de ce projet m’ont permis de réaliser une fusion entre deux éléments à priori distincts de ma production : l’ajustement de matières brutes (notamment trouvées lors de certains déplacements, ou chinés) et la conception d’éléments fantasmés (en passant surtout par le dessin et la construction).
Afin de poursuivre ma recherche durant ma résidence au BO, je me suis rapproché de certains anciens sites sacrés (l’église St-Martin, le sanctuaire Notre-Dame de Lourdes ou des Cromlechs et Dolmens de la région), pour enrichir mes réflexions sur l’architecture et l’urbain. Diverses expérimentations sculpturales et photographiques sont prévus.
Après ma résidence, Août 2022:
Comme prévu, mon arrivée au Bel Ordinaire fût précédée d’un déplacement en voiture dans les régions alentour, en quête d’anciens lieux, de paysages variés, ruraux et urbains. Je suis ainsi passé du Béarn aux Pays Basques, des Pyrénées à la côte sud atlantique. De ce petit périple, j’ai tenté de retranscrire à la fois ma fascination pour certains anciens sites, ainsi que celle portée sur l’organisation de la cité à travers l’espace urbain et l’architecture. Pour créer une relation peut-être, pour explorer et étudier surtout. Concrètement, j’ai pu récolter divers objets naturels, quelques pierres et bois flottés proche de Bayonne et de la frontière espagnole, tout en photographiant et en écrivant à propos de mon expérience vécue.
Revenu de ce voyage, j’ai pu prendre le temps de mettre à plat et d’analyser les éléments trouvés, et d’expérimenter une multitude de directions à travers le dessin, l’assemblage et le transfert photographique. Étant parti de presque rien, une intention seulement, j’ai pu me perdre et me retrouver durant ce mois de résidence. C’est après deux semaines de recherche que j’ai décidé de me fixer sur deux ou trois directions seulement.
À partir des logiques de constructions et d’assemblages qui me sont propres, c’est à la fois par mon intérêt pour la géobiologie et pour la conception de certains édifices que j’ai pu me mettre à la tâche.
Alors, en tant qu’amateur en géobiologie, je me suis rapproché de certains savoir-faire permettant de déterminer divers courants telluriques (réseau Hartmann, Curry…) ou ressources naturelles (eau, failles…) à l’aide d’outils appropriés tel que le pendule ou les baguettes de sourcier. J’y ai découvert une nouvelle lecture des espaces arpentés.
Cela m’a même donné envie d’utiliser ce moyen de détection pour déterminer l’emplacement de petites sculptures dans l’espace d’exposition. Suivant ainsi le réseau quadrillé Hartmann (Nord-Sud, Est-Ouest) j’ai réalisé une dizaine de sculptures marquant les croisements de ce réseau immatériel au sein d’un des espaces de monstration du BO. À proprement parlé les sculptures sont composées d’éléments extraits de la nature, de la ville ou même chinés, elles sont agrémentées de dessin, de peinture ou de transfert photographique. Elles sont à mes yeux des microarchitectures sensibles, produisant un réseau structurel péri-urbain qui peut muter. Il faut se baisser pour les observer, nous sommes comme des témoins de ce dispositif d’organisation subjectif.
Entre d’autres expérimentations, j’ai aussi été séduit par des pierres plates et trouées, trouvées à proximité de Biarritz. Elles m’ont permis de réaliser deux sculptures murales importantes, ainsi que quelques transferts intéressants. Précisément disposées dans la même salle que les microarchitectures, les sculptures murales viennent surplomber l’ensemble de la ponctuation produite, renforçant le caractère architectural et organisationnel de la cité. Ces pièces me font penser au Narthex de certaines églises que j’ai pu visiter, d’où leur titre. À l’avenir, j’aimerais sûrement réaliser une peinture murale en fond de cette production pour augmenter son emprise sur l’espace et sur le spectateur par son amplitude.
Dans la continuité de cette enquête et production dans la région du sud-ouest, je prévois d’aller en Bretagne afin de trouver de nouveau indices et directions de travail. Affaire à suivre !