Nous sommes submergés de contenus numériques, qu’il devient de plus en plus difficile de conserver dans de bonnes conditions, surtout dans un espace qui s’amenuise, se rétrécit et se dégrade… Je pense avant tout aux œuvres qui me sont accessibles, celles du domaine public (littéraires, plastiques, musicales). Ces œuvres en croissance, dont le contenu intéresse moins que la multitude de vidéos de chat qui remplissent les serveurs, sont pourtant notre bien commun.
Aussi, l’idée m’est venue d’entamer la conception d’un programme – l’écriture de scripts, l’expérimentation de formes – ayant pour objectif de soustraire et d’amoindrir, en mots, lettres, images, sons, tous types de contenus, afin de pouvoir continuer à les conserver. Il s’agit d’appliquer le processus utilisé dans la fabrication des souvenirs pour optimiser la conservation de notre patrimoine. C’est-à-dire d’en oublier une partie pour pouvoir continuer à les stocker et les transmettre, non dans les meilleures conditions mais dans les moins pires.
Détruire / Transmettre… il faudra peut-être s’y résoudre.
Cette résidence de recherche au Bel Ordinaire me permettra d’imaginer ce programme de soustraction et de poursuivre mes expérimentations visuelles. Une fois le programme conçu et développé, il s’agira de le mettre en place, en pensant à un objet permettant d’activer ce processus sur une œuvre du domaine public ou un corpus d’œuvres visuelles, textuelles, vidéo ou sonores. Ainsi je fais le pari que de la soustraction d’informations et de la dégradation pourront émerger de nouvelles formes graphiques.
Cette recherche s’inscrit dans un héritage culturel fort, passant par le travail de Jimmy Durham, et sa performance Smashing, celui de Gustav Metzger et de son concept d’Auto-destructive art, celui de Brandon Ballengée et ses Frameworks of Absence, ou encore les protocoles de Jean-Baptiste Farkas. Prendre en charge un tel type de soustractions n’est pas sans soulever de nombreuses questions et il me semble préférable que des créateurs s’en emparent.