Avril en Béarn, en compagnie du ciel, de la fable et du vent.
Depuis le début de sa pratique, Thomas Lanfranchi emprunte l'espace du volume à travers des familles de formes aériennes qui ne peuvent exister sans la présence du vent. Quel qu'en soit le dénouement, ces moments sont vécus comme une possible extension des potentialités corporelles et spirituelles de l'artiste, un prolongement de son être.
Avant la confrontation de ses recherches avec les phénomènes naturels par le jeu de la performance, l'élaboration des structures volantes passent initialement par une phase des calculs de surfaces, de masses, de résistances aux fluides, rendus dans des systèmes d’échancrures et de circulation d’air à l’intérieur d’assemblages géométriques.
Les matériaux utilisés sont des polyanes ménager, du papier de type Kraft et du scotch. Ces matières peu appropriées à ce type d’expériences, inscrivent ces volumes dans l’éphémère, saisis le temps d’une performance par la photographie ou le film.
La fragilité propre des matériaux utilisés donne à ses volumes fugacité et surprise.
Le vent, par la vibration constante qu’il entretient avec le paysage et sa toile de fond le ciel, se sont imposés au cours de ces années, comme un terrain vierge, lieu des possibles. L’espace reste la réalité la plus importante, celle qui isole les formes, les révèle, et les fait exister en tant que volumes.
Depuis quelques années, Thomas a abandonné la confection de modèles réduits qui captivait trop d’énergies créatrices, pour des maquettes, à taille réelle. Ses formes entrent ainsi dans un processus non fini. Il y a dans cet inachèvement et cette incertitude fonctionnelle, une frontière troublante qui appartient au désir et au rêve.
Ayant laissé de côté les formes multiples, devenues par leurs tailles et le nombre d’éléments en vol trop puissantes et difficiles à maintenir, il recherche depuis peu, de nouvelles formes ascensionnelles et stables de faible portance.
La particularité de la structure exploitée à Billère au Bel Ordinaire, sera de se développer dans le ciel à partir d'éléments modulaires simples, répétés à l'envie. Proche de Pau et de son agglomération, le massif des Pyrénées constitue le premier relief élevé depuis l’océan. Les vents à dominante d'ouest bénéficient à tout le site et deviennent, de l’automne au printemps, soutenus et réguliers au-delà de 800 mètres d’altitude.
Cette situation de moyenne et haute montagne génère, dès la fin du printemps et en été, des thermiques locaux tièdes et ascensionnels ou des effets de foehn propice à l'envol. Passage obligé sur la ligne de crête, écrin de verdure entouré de relief, dégagés et ouvert au ciel, les cols d'Aspe ou d'Ossau se prêteront au mieux à un projet céleste, dans un moment incertain où la perte de la gravité laisse le temps en attente, en appel.
Le soir où la fable cambriola le château du paysage, elle prit tout avec elle, ne laissant dans le ciel que le vent.
Au matin un artiste l'emprunta.
Kevin Franceschi