De la terre sous les pieds

J’ai grandi dans une campagne alpine à partir de laquelle je m’intéresse à la question des territoires, aux modes de vie ruraux, aux écologies, au vernaculaire, à la sororité et à des indices de l’anthropocène. Par ailleurs, je m’approprie des savoir-faire traditionnels féminins comme la broderie, le jardin ou la cuisine que je mets en jeu dans des installations avec des photographies et des vidéos que je produis.

Au cours de ma résidence au Bel Ordinaire, j’aimerais :

  • Organiser des rencontres avec des habitants sur le territoire de l’espace d’art contemporain autour du paysage et de l’environnement qui les entourent.
  • Marcher sur le territoire selon un principe d’itinérance pour m'approprier l’espace par le déplacement tout en collectant dans un sac à trouvailles des objets, plantes, pierres, choses à ramasser etc...
  • Retranscrire ces entretiens sur ces différents matériaux, de façon écrite, photographiée, gravée dans le bois, transférée sur une pierre mais aussi des matériaux liés à la cabane, à la survie et au soin (cire, drap de lit, bâche).
  • Proposer une installation comme un territoire à amener à l’intérieur de l’espace d’exposition.

Il s’agira en quelque sorte d’une résidence-refuge, de trouver des formes de développement en volume et en image en regard des rencontres, de construire un regard et un paysage depuis l’espace d’atelier. Il est aussi question de réinventer une intelligence avec la nature et les environnements de vie, de construire une narration écoféministe (dans le sens où elle serait non violente, non hiérarchique et liée au vivant). Il n’y aura pas de contemplation ni de sublimation, la nature n’est, pour moi, pas une identité à part, il s’agira véritablement de trouver un équilibre entre nature et homme, entre l’espace domestique et l’espace extérieur, l’intérieur et l’ailleurs.

Après ma résidence, mai 2022:
Mon arrivée à Pau est marquée par le Gave et sa puissance. La pluie, le vent, les éléments, en fait.
En me renseignant, j'ai entendu que les anciens disent, que dans les Pyrénées, les lacs cachent des trésors et les orages des Dieux de la fécondité. En arrivant ici, je les crois. Les deux semaines de résidence s'annoncent pluvieuses et mon projet sur la rencontre en randonnée s'avère plus compliquée que prévu. A la première sortie au Lac d'Estaing, je trouve même la neige.

Je modifie mon itinéraire et mon idée et choisis de travailler finalement sur l'eau. L'eau est un sujet universel, impliquant un rapport au sensible, au vivant, au politique, au scientifique, aux croyances et aux mythologies. Depuis longtemps, ici, l'eau est considérée comme soignante, miraculeuse, réconfortante. Autour d'elle, se sont construits des thermes, des villes, toute une architecture urbaine qui a modifié durablement le paysage. Je choisis d'aller vers ces thermes abandonnées, de toute façon fermés à cette saison et de suivre le chemin des sources.
D'aller jusqu'au crêtes et cimes, de marcher dans les névés et de documenter, photographier, collecter.
Et puis fabriquer.