Qu’on le veuille ou non, la « maison » est multi-dimensionnelle. Traversée de part en part, elle est devenue carrefour de données, d’objets, d’affects et de corps. Dans cette géologie de couches, de profondeurs, perceptibles et imperceptibles, je me demande comment s’opère le passage entre espace intime et espace public, et comment penser notre relation au logement, au repos, à l’abri d’une capitalisation des corps.

La résidence au Bel Ordinaire me permet de donner forme au projet d’édition Real estate agent looking to the future [titre provisoire]. Par le design graphique et l’écriture poétique, je cherche les espaces de friction entre : 


— d’une part, l’intimité développée avec les objets dits « intelligents » et ce que cela produit dans nos vies : qu’est-ce que cela implique de donner accès à nos empreintes, notre visage ou nos iris, notre position… Comment rendre compte de la cohabitation de nos corps avec des interfaces virtuelles designées ? Quelle est cette étrange peau sans cesse percée, entre palpable et immatériel ?

— d’autre part, la thèse d’un solutionnisme technologique pour les villes et l’idéologie capitaliste des smart cities (ou villes intelligentes). Par quelles images sont vendues ces villes nouvelles, pas encore sorties de terre mais bien inscrites dans nos imaginaires technologiques ? Je collecte et analyse le discours de ces villes « du futur », cherchant à décortiquer leurs fantasmes, ce qu’ils disent de nous.

Au sein du livre, j’effleure les endroits où nos habitudes d’humain·es révèlent la présence de mégastructures numériques, les indices qui témoignent des changements profonds de l’habitation des villes. Cet ensemble m’amène à aborder les notions d’opacité, de transparence et de fluidité, vis-à-vis de l’extrême matérialité des infrastructures numériques. Argument de vente des smart cities autant que postulat plastique, ce « fluide » des « villes sans coutures » sera une trame sur laquelle explorer la couleur, le mouvement dans le texte, pour signifier des fuites, des profondeurs, des envahissements.