Au cours de conférences d’auto-anthropologie, il arrive que le conférencier projette ses diapositives d’imagerie psycho-ancéphalo-géographique sur son propre crâne. Le public peut alors le suivre dans une visite guidée des cavités qui constituent l’esprit du chercheur et y découvrir les sociétés de moi, leurs us et coutumes comparées, qui constituent l’objet de l’auto-anthropologie. Les prises de vue de cette déambulation intérieure projetées sur le corps du chercheur et accompagnées de ses commentaires pourraient faire l’objet d’une recherche graphique potentiellement éditable. Ce travail peut aussi bien mener à la mise en forme d’une nouvelle conférence.
Je développe, depuis 2009, ce travail de performance basé sur la notion d’auto-anthropologie qui questionne l’histoire de l’art et de la culture lors de conférences pseudo-scientifiques mais vraiment poétiques. C’est ce dernier aspect de mon travail que je vais développer lors de ma résidence au bel ordinaire.
Après ma résidence, juin 2020
Durant sa résidence de recherche, le chercheur en auto-anthropologie a découvert que :
Les os du corps du chercheur sont constitués de sédiments. Il est possible de fouiller ces sédiments. L’os du genoux gauche du chercheur révéla un crâne fossile d’hominidé (Kenyanthropus platyops) vieux de 3,3 millions d’années ; l’os du genoux droit, sur l’autre rive, révéla un nucleus de silex qui servit à tailler un biface, vieux lui aussi de 3,3 millions d’années. Plus tard, il découvrit des sépultures, premières traces d’une activité symbolique en lui. Il comprit qu’on ne pouvait guère faire plus que des choses belles pour accompagner les morts. Dans l’épaule droite il trouva une représentation d’un homme à tête de lion. Il trouva qu’on avait représenté en lui un crane avec un fémur : l’os pour penser, accompagné de l’os pour marcher. Dans son radius il trouva un radius de vautour (l’os pour voler) qui percé de cinq trous était devenu une flute. Puis peintes sur l’os pariétal gauche, des mains négatives. Il chercha et trouva une voie, la voix lui dit :
« Je t’aime
Toi qui a un nom toi qui es doué d’identité je t’aime d’un amour indéfini
Je t’aime plus loin que toi
J’aimerai quiconque entendra que je crie que je t’aime »
La voix s’est trompée, elle parlait de mains positives, alors il trouva White Cloud portant une trace de main sur le visage. Il pensa que la science était de l’amour et la famille de White Cloud mourut se donnant en spectacle au roi des blancs, dans le corps du chercheur. Et une autre voix dit que la science n’était pas de l’amour.
Il découvrit ensuite qu’on pouvait sur-tuer un ennemi, en criblant son corps déjà mort de davantage de coups mortels. Ou en le privant des belles choses, de sépultures. Il pensa ensuite que l’amour de l’art était de la science, à ce titre il avait mélangé les têtes d’ancêtres et les têtes d’ennemis. A l’époque, elles avaient été monnayées contre des munitions. Réclamées, le têtes furent rendues à qui de droit. Il pensa alors que l’amour de la science était de la guerre. Au nom de la science, au cœur des ténèbres, les ennemis furent emmenées dans les musées pour les sur-tuer. Réclamés, leurs crânes furent gardés.
Ils se sont sédimentés dans le corps du chercheur.