Fève ambulante 

Dès le Moyen Age, le colporteur allait à pied de village en village pendant la saison morte. Il vendait services, artisanat et articles manufacturés. Colifichets, papeterie, potions, rempaillage, estampes, autant de vecteurs des modes et des nouvelles. Il se faisait, sans en avoir l’air, une place dans l’intimité sociale des campagnes. L’histoire de la fève est liée à celle du vendeur ambulant qui au 18ème siècle vendait ces sujets en céramique aux portes des boulangers. Le colporteur, souvent agriculteur, importait aussi sur son passage ses semences. Et nous savons qu’à l’Antiquité, la fève élective, alors simple graine séchée, truffait le gâteau saturnal.

Marché multi-collection, sentiers de randonnée, lieu d’art contemporain, boulangerie, musée d’art populaire, fêtes de village, arrêt de bus : nous envisageons un parcours tracé par la fève des rois. Les fèves JJ von Panure portent leurs récits propres et nous voudrions donc avec elles nous faire saute-ruisseaux. À la fois désuètes et sculpturales, elles nous permettent déjà de nous insérer dans des contextes apparemment éloignés. Leurs formats et leurs statuts en font un objet de colportage idéal et nous permettent de les créer n'importe où. Nous expérimenterons en mai leur fabrication hors des sentiers battus.

À l’aide des ateliers techniques du Bel Ordinaire, à partir de matériaux de récupération, nous inventerons l’équipement de notre expédition à pied, à la manière des porte-balles, les premiers colporteurs. Une bagagerie qui rendra possible le mouvement, la création et l’exposition. Les premiers tests d’équipement et simulations de création de fèves des rois seront réalisés au BO et dans les périphéries pyrénéennes de Pau. Une première série de fèves sera produite à l’épreuve de conditions extrêmes, et sera cuite à l’atelier céramique du BO. Ces fèves seront les témoins de ces expériences. Notre objectif est de créer une cartographie guidée par la fève des rois qui ne se limite pas aux frontières établies, mais qui explore la lisière des traditions de la fève et de la sculpture, du colporteur et de l’artiste, du profane et du sacré.

Après notre résidence, mai 2024

La résidence de recherche d’un mois au Bel Ordinaire nous a permis de penser, d’expérimenter et de produire un prototype d’équipement pour notre projet de colportage. Nous avons pu également poursuivre notre œuvre artistique évolutive : une série de fève-sculpture a été produite en lien avec la résidence.

Penser - Dans un premier temps, nous avons dressé deux listes. Celle de nos besoins minimum et de nos contraintes de fabrication en situation de mobilité (outils de modelage élémentaires, format minimal du plan de travail, réserve d’eau, de terre, nombre de contenant protecteurs pour les pièces crues); celle des besoins et contraintes relatives à l’exposition nomade (identité visuelle, compatibilité avec notre système de rangement sédentaire, conservation...)
Pour répondre à ces besoins nous avons orienté notre recherche iconographique et matérielle sur l’observation de l’environnement Palois et Lourdais, ses figures «nomades» et leurs accessoires (pèlerin, touriste, randonneur, maraîcher, pêcheur, etc.). Nous avons constitué un inventaire ciblant les abris légers (équipement de pluie, stand de rues, cabanes et bivouacs pyrénéens, préfabriqués du village Emmaüs) et les marchandises (produits du tourisme Lourdais; ressourceries; grandes surfaces, bureautique et de loisirs plein air de la zone commerciale de Billère).

Produire / Équipement - À partir de ces listes nous avons choisis des objets à détourner pour produire un premier prototype de bagage. Le village d'Emmaüs s’est avéré être une ressource intéressante pour trouver ces objets. D’abord nous avons choisis notre abris, le tarp, sur lequel nous avons peint à la main un lettrage ; il offre un abris léger et à la fois une surface de communication considérable ainsi détourné. Puis nos bagages. Nous avons aussi détourné des pochettes de protection d’appareil photo en compartiments pour nos fèves : montées en «banane», elle nous offre un stockage sécurisé léger et accessible. Pour le transport de nos engobes (un nuancier de 14 couleurs), après avoir essayé avec un bac à glaçon, nous avons opté pour les étuis de lentilles de vue montés sur anneau de classeur. Enfin nous avons fabriqué nos postes de travail portatifs: inspirées par les badges, chapelets et ustensiles de pèlerins portés au cou, nous avons fabriqué nos tablettes en bois sanglé, avec systèmes d’attaches DIY pour notre outillage manuel et les petites boites et bouchons détournés, servant de palettes etc.
Fèves: riche de notre nouvelle iconographie, une fournée de fèves à été produite et une partie est destinée à être attachée sur ce bagage, œuvres se transformant en badge, porte-clefs et signalétique, car la fève Panure se joue toujours de son statut entre petit objet banal de collectionneur et sculpture miniature.

Expérimenter - Nous avons pu au long de ce mois effectuer 3 sorties test : deux en milieu citadin ou touristique (à Lourdes) et une en milieu naturel (en bordure du Gave). Ces sorties nous ont permit d’expérimenter la fabrication de fèves en plein air, d’affiner nos besoins et perfectionner ainsi notre matériel. Nous avons de quoi constituer le cahier des charges qui servira à dessiner le plan du bagage idéal.

Ces recherches nous ont amené à tester également de nouveaux dispositifs d’expositions intérieurs, incluant potale, socle mural, cagette de marché et bleu IGN.