Une image peut en cacher une autre. Les arts et la littérature guident notre vision, mettent des mots, des images, des sons sur des phénomènes comme pour les exposer. La recherche que je mène sur l’optique en littérature a quelque chose d’intuitif ; elle ne repose pas sur des textes canoniques mais plutôt des chemins de traverses et des apparitions. Dans le cadre de ma résidence au Bel Ordinaire, je vais travailler sur la nouvelle de Rachilde, Le Château hermétique, parue en 1892, rééditée en 1963 et depuis épuisée. Sur le modèle des récits de voyage, l’autrice qui avance par digression décrit à la fois un paysage et une illusion dont elle et ses compagnons de route sont les dupes. Le texte est troublant, et raconte une ascension impossible et un voyage finalement plus métaphysique que concret. La montagne cache le château et le château la montagne au point que l’on ne sait plus ce que l’on regarde. Ainsi l’image devient mirage, elle échappe à ses spectateurs comme une vision fantomatique.
Mon but n’est pas d’illustrer ce texte mais de le faire reparaître avec un double projet d’exposition et de publication. Par une approche transdisciplinaire, je cherche à faire travailler ensemble graphistes et peintres, performeurs et auteurs, sculpteurs et vidéastes. Au Bel Ordinaire, je compte m’appuyer sur les ressources graphiques présentes et la présence des Pyrénées, la scène artistique locale pour m’imprégner de cet imaginaire montagneux.
L’adaptation d’une œuvre littéraire est pour moi l’occasion de lire des images et de voir des mots. Par ce jeu de correspondances, je veux proposer l’expérience d’une vision déplacée et enrichir un vocabulaire scénographique et graphique parfois trop rodé aux discours scientifiques. Rachilde, dans son texte, use d’images mentales qui me font penser aux travaux d’Aurore Pallet ; son imaginaire de la montagne, très romantique, peut être rapproché de celui de Johanna Perret, et sa géologie de l’habitable m’évoque Anais Boudot. Le dialogue que je poursuis avec ces artistes autant qu’avec les graphistes Odilon Coutarel et Lisa Bayle me font entrevoir de nombreux ressorts expositionnels. Comment habiter une image ? Par un protocole qui permet aux uns et aux autres de se répondre par mon intermédiaire, je tire parti du discours rapporté utilisé par l’autrice et sollicite la faculté de projection de chacun.