Mon travail s’immisce dans des collectivités humaines par la transformation de matériaux souples. À partir de dispositifs élémentaires, je mets en œuvre des processus qui interrogent l’actualité de ces groupes. Quand je me retrouve seule, je m’interroge sur la trace de ma propre expérience. Que reste-t-il des autres ? Je glane leurs traces, des bouts de fils, des morceaux de tissus, témoins de la rencontre et du geste partagé. Des gestes répétés, projet après projet. Des gestes comme un sol à fouiller.
Pendant cette résidence au Bel Ordinaire, je vais poursuivre Les formes denses, un cycle de travail entamé il y a deux ans où je crée des formes à partir de ces traces et raconte par l’écriture la propre plasticité de mon corps qui les transforme.
J’envisage cette résidence comme un temps répétitif où je peux faire, défaire et refaire des gestes déjà si souvent éprouvés. Les élimer jusqu’à la trame, craquer, réparer, retisser dedans. La répétition est centrale dans ma pratique et m’invite à explorer une certaine précarité du geste. Cette répétition structure et offre autant d’occasions au processus de réapparaître et de m’en saisir différemment. Je veille, attentive à ce qui se passe dans le plis de l’expérience et le creux des formes. Je ralentis et soigne leurs enveloppes, ce qui s’est déposé dans mon travail au fil du temps, comme un jardinier nourrit son compost. J’explore une certaine archéologie de ma pratique tout en prenant soin de son vivant.
Au Bel Ordinaire, je veux radicaliser ce geste de « tourne », qui agrège, emballe et embobine les traces de mes projets avec des collectifs. De la taille de mon pouce à celle de mon corps tout entier, ces formes sont rondes comme des pelotes et appellent à être mises en mouvement, entres elles et avec moi. J’ai envie de jouer avec elles dans l’espace et tenterai des cartographies de leurs filiations. Entre la performance et l’installation, je projette de travailler au sol et mettrai à l’épreuve les forces d’attraction et de tension des formes avec mon corps.