La résidence au Bel Ordinaire sera l’occasion d’amorcer l’écriture d’un petit essai dans lequel j’aimerais explorer les liens entre déchets industriels et objets patrimoniaux, à partir d’une expérience personnelle de collecte de morceaux de verre et restes de creusets partiellement broyés et déversés aux abords de la verrerie de Gœtzenbruck. On les retrouve éparpillés : sur les sentiers forestiers et dans le lit des rivières. Parfois trésors, pépites et merveilleuses surprises, selon les âges et les tempéraments des collecteurs, ces déchets sont les traces tangibles d’une histoire qui ne se raconte pas. Ce rapport entre l’objet, le statut qu’on lui accorde et les pouvoirs qu’on lui attribue, m’a toujours questionnée.
Au-delà de l'écriture, c'est par l’illustration que j’aimerais porter l’attention sur ces morceaux d’anciens creusets aux formes curieuses et aux couleurs singulières. Moins reconnaissables que le verre, la pierre qui semble émaillée pourrait très bien s’apparenter aux yeux d’un novice à un autre type de déchet moins noble, le remblai composite : tuile, carrelage, plâtre, brique…
Ces artefacts verriers sont partout encore visibles là où les hommes les ont déversés. Les endroits stratégiques, facilement praticables et non cultivables seront les principales zones identifiées. Celles qui, maintenant encore, 60 ans après la dernière production du verre à Gœtzenbruck, font remonter à leur surface ces nouveaux éléments qui intègrent alors le paysage. Dans une région à la topographie proche de la petite montagne, la verrerie trône au cœur du village et les versants nord-est ou sud-ouest se prêtent parfaitement et sans trop d’efforts au déversement. On les nomme le « Scherrberri » (le mont des débris) et le « Kiehdiahl » (la vallée des vaches). Ainsi, c’est par la construction d’un ensemble de collages photographiques que je souhaite donner à voir l’important dénivelé, partant de la verrerie jusqu’au point le plus bas de la vallée, suivant le cours d’eau qui la creuse.