Il est important pour moi de « faire avec ce qu’il y a ». Paradoxalement j’ai besoin de travailler dans le manque, et de rendre la contrainte fructueuse. D’ailleurs, quand les contraintes ne sont pas là naturellement, je les invente moi-même : mon corps lui-même devient contrainte. Faire beaucoup avec peu m’excite particulièrement. J’aime arriver à quelque chose qui transpire d’une énergie, d’un plaisir de faire.
Au Bel Ordinaire j’aimerais entamer une expérience de recherche en me basant sur la matière la plus accessible là-bas : les feuilles des arbres alentours. J’aimerais développer un travail que j’ai entamé lors du confinement. À l’époque j’avais commencé à coudre la matière à portée de main, celle du jardin de mes parents.
J’avais cousu les feuilles encore fraîches avec la vieille machine Singer de la maison. Les feuilles sont cousues ensemble une par une et la forme grandit progressivement. Ce travail parle d’un autre rapport au temps : le temps long. En effet une fois les feuilles cousues, je viens mettre sous presse ce nouveau textile à la manière d’un herbier. Pendant environ un à deux mois, les feuilles sèchent à l’abris de la lumière ce qui permet de conserver l’intensité du vert. Ce procédé, basé sur une économie de moyen, me plaît beaucoup et aboutit à chaque fois à un résultat très riche. La matière me réserve à chaque fois des surprises.
Pour le Bel Ordinaire j’ai le désir de continuer ce protocole avec l’envie de changer d’échelle. J’aimerais coudre, à partir de la matière récoltée autour du lieu, des lés de feuilles qui joueraient avec l’architecture. Je souhaite assembler mon patchwork végétal directement dans le lieu d’exposition et créer un nouvel espace, plus intime et sensible. La notion de cocon ne cesse de m’interroger dans ma pratique et je tiens à la développer d’avantage à cette occasion.