Aujourd’hui, en tant que réfugié, je suis privé du droit de sortir de France. Depuis sept ans, je ne peux pas quitter le territoire. Pression psychologique, émotions complexes, la frontière exerce sur moi un sentiment de peur et de tension mentale, mais elle est également un endroit complexe suscitant ma curiosité. Cette situation m’a permis de réfléchir à l’existence des frontières sous un angle matérialiste. Où nous trouvons-nous exactement lorsque nous sommes situés sur la frontière ?
Depuis un an, dans le cadre du projet D’ici à ici, j’ai entrepris plusieurs randonnées expérimentales le long des frontières. J’ai amorcé des recherches autour de la matérialité des frontières en longeant ces dernières à pied, aiguillé par un GPS et bivouaquant sur place. Puis j’ai déplacé des éléments naturels de part et d’autre de cette frontière en composant diverses mises en scène. Enfin, j’ai cherché à enregistrer les sons entendus depuis la frontière ou depuis des objets installés sur cette dernière.
Ce projet questionne les relations qu’entretiennent les frontières et l’atmosphère qui les entoure. Mes observations se concentrent sur les tensions matérielles et psychologiques entre le caractère flou et ambigu des frontières dans la nature et leur délimitation précise sur les cartes.
Pendant cette résidence au Bel Ordinaire, j’aimerais réaliser des installations multimédias à partir des matériaux obtenus pendant mes voyages.

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Après ma résidence :
Au cours des dernières années, mon travail a été profondément influencé par ma situation d’exil. À travers divers médiums, j’explore les notions de frontière, de distance, de mobilité et de territoire, en mettant en lumière la tension entre leurs dimensions conceptuelles et physiques. Je questionne la conception figée des frontières pour en révéler le caractère mouvant, changeant et complexe. Pour ce faire, j’ai entrepris plusieurs voyages expérimentaux à travers les montagnes, les environnements naturels et les espaces urbains, en utilisant des médiums variés.

Lors de ma résidence à Bel Ordinaire, j’ai développé un projet intitulé Mélanger des lignes, qui étudie les interactions complexes entre le son et l’environnement. Il s’agit d’une démarche expérimentale centrée sur l’exploration sonore de différents espaces frontaliers. J’ai conçu un dispositif sonore interactif composé de haut-parleurs mobiles, permettant une réorganisation constante de l’espace acoustique. J’ai fabriqué quatre enceintes montées sur roulettes, chacune recouverte de photographies prises aux frontières. De ces haut-parleurs s’échappent les sons enregistrés lors de mes explorations sonores dans différents espaces frontaliers. Chaque enceinte diffuse un fragment d’environnement — vent, pas, voix, bruits de passage — capté à un endroit précis du trajet.

L’installation invite le public à interagir librement : en déplaçant les sources sonores, les participant·es recomposent sans cesse le paysage acoustique. L’espace d’exposition devient alors une cartographie mouvante du son — un territoire en transformation où se croisent circulation, tension et rencontre. Ce mouvement collectif crée une performance en perpétuelle mutation, révélant la frontière non comme une ligne fixe, mais comme un espace d’échange, de tension et de rencontre.