Au fil des moments passés en altitude, je remarque de plus en plus de nuances de gris. L'avantage des saisons en montagne c'est que l'on est aussi en haut quand le temps est mauvais et surtout on est en haut quand le ciel se dégage. Le paysage disparaît dans les couches de brouillard, tout est gris, parfois sombre, puis certains éléments réapparaissent. J'ai le même plaisir quand je suis dans un éboulis de gros blocs, l'échelle devient trompeuse, tout apparaît et disparait. En montagne, dans la nuit et dans le brouillard, on peut se cacher, disparaître quelque temps et parfois aussi de manière tragique disparaître trop longtemps. Cette notion, je l'avais déjà abordée au cours d'un travail plus théorique sur la nuit mené entre 2019 et 2022.
Pendant ce temps de résidence, j'aimerais poursuivre un travail de recherche sur cette idée de disparition. Dans la même lignée que l'équipement 1, un ensemble d'objets aux matériaux trompeurs, fragiles et figés, je souhaite continuer à travailler autour des objets que l'on emporte avec soi. La cape de pluie ou la veste m'intéressent particulièrement. Si la plupart des vêtements outdoor sont de couleurs vives pour être bien visibles, j'aimerais utiliser des nuances plus grisées et sombres. La saison automnale riche en plantes taniques m'aidera à continuer des recherches en teinture textile autour de différents gris. Des découvertes récentes de techniques de nuançage me rendent curieuse de nouveaux essais et j'espère pouvoir les mêler à des procédés de sérigraphie dans l'atelier du Bel Ordinaire. Selon les conditions météorologiques et l'arrivée de l'hiver, j'aimerais continuer à explorer les montagnes alentour et faire des tests plus photographiques, voire vidéo. La cape serait portée dans différents lieux propices à se perdre visuellement et j'imagine imprimer des visuels sur des surfaces fines. J'attends aussi de me laisser surprendre par les découvertes en atelier pour prendre de nouvelles décisions.
La résidence de Daphné Kaincz est réalisée en partenariat avec l’École Nationale Supérieure d’Art de Limoges-Aubusson dans le cadre de son dispositif Coup de pouce
Après ma résidence, novembre 2023
À la sortie de cette résidence au Bel Ordinaire, j'ai la sensation de m'être remise au travail avec un nouveau rythme. La recherche plastique va être longue et je lui laisse le temps. Je n'ai plus d'idée de projet finalisé en textile, mais plutôt une bonne piste à suivre ! Retourner en atelier, expérimenter, découvrir de nouvelles techniques (merci ISANA ! ) m'a permis de prendre le temps et de me poser beaucoup de questions sur mon rythme de travail. Rencontrer d'autres artistes, plus installé.e.s et avec plus d'expérience m'a donné confiance et a attisé ma curiosité vers de nouvelles pratiques. Voir avancer leurs projets qu'iels mènent parfois depuis de nombreux mois m'a également encouragé à être patiente.
Après ce temps d'atelier je retourne dehors, regarde avec un peu de recul les tests de sérigraphie à la cire et pense à eux en observant les pentes en montagne. Je me demande ce que je vais essayer comme nouvelles impressions et comme nouvelles teintes. Je me suis beaucoup concentrée sur le gris, mais au fur et à mesure des marches j'ai bien remarqué des vallons où d'autres couleurs, comme le rouge, sont omniprésentes. L'idée reste de se dissimuler, de disparaitre dans la pente. Cependant, le motif du textile a beaucoup évolué et je cherche différentes manières de le porter pour se cacher.
Dans les mois à venir, je serais en résidence plus à l'est, toujours dans les Pyrénées. Savoir que je vais avoir un nouveau temps assez long principalement dédié à la recherche plastique me réjouit. J'espère avoir de nouveaux essais textiles intéressants à essayer en montagne au printemps, une saison plus adapté à la récolte des plantes tinctoriales qui m'intéressent et plus adapté à la randonnée en altitude.