Biomécanique d’un mouchard est un projet qui s’incarne sous une forme hybride inspirée du concept de cyborg : une caméra de surveillance devient vivante et se voit dotée d’organes. L’installation sera construite à partir de plusieurs dizaines de ces caméras en résine, se voudra immersive et cherchera à nous plonger dans un face à face direct avec celle-ci. Nous nous interrogerons donc sur l’idée de délation et sur l’ubiquité des systèmes de contrôles.
La pensée de Foucault liée au concept de biopolitique ainsi que la pensée de Paul B Preciado et son concept de pharmaco pornographie ont été des influences majeures pour l’élaboration de cette pièce. En effet je pense le corps comme un élément central des politiques de contrôle occidentale. L’existence la plus charnelle et physique de l’individu devient un levier prépondérant nécessaire à son inclusion au sein d’un espaces et d’une pensée politique. La présence d’organe animal (reins, os, cerveaux) dans l’installation Biomécanique d’un mouchard mettra en exergue cette interdépendance.
Biomécanique d’un mouchard se limite pour l’instant à deux tirages de caméra en résine. Un temps de résidence au Bel Ordinaire me permettra de produire plus de tirages et de donner de l’ampleur au projet en travaillant également le dispositif d’accrochage : travail des bras mécanisés, installation de caméras sur pieds, lier les caméras entre elles à l’aide de câbles en cuivre qui envahiraient l’espace d’exposition.
Un travail de la lumière autour et dans ce dispositif insistera également sur l’interpénétration de l’organique et du numérique au sein des politiques de contrôle.
Les derniers événements politiques et sociaux (la loi sécurité globale, ou encore l’arrivée mondiale de la reconnaissance faciale) démontrent pour moi l’importance de continuer à m’engager dans une pratique qui puise son inspiration au sein de ce type de technologies — aujourd’hui devenu déterminant dans notre rapport au monde.
Ces technologies restent muettes et invisibles face à ceux et à celles qu’elles épient. Penser cette observation silencieuse dans un cadre artistique me permet alors de la rendre visible afin de créer une expérience originale du spectateur face à elle. Mon travail questionne la perte de liberté engagée par l’apparition massive de politiques de contrôle et cherche à rendre présent ce qui échappe à nos regards.
Se retrouver face à la fiction engagée au sein de l’installation Biomécanique d’un mouchard serait faire l’expérience d’une oppression politique, et ainsi possiblement rejouer cette dernière. Penser qu’il est possible de les déjouer nous permettrait de partir à la recherche d’un espace de liberté au sein même de ces politiques restrictives.