Dans le cadre de ma résidence au Bel Ordinaire, je développe un projet nommé Melodia Atomizacji.
Il s’agit d’un ensemble de documents contrefactuels (photos, dessins, peintures) générés avec une IA, qui me servent à raconter l’histoire de Sena Schiplink, un poète polonais fictif du début du 20e siècle. Une pièce sonore vient compléter ce projet, faite de sons créés numériquement par la sonorisation des poèmes de Sena, que j’écris sur le modèle de la Mélodie de la Foule de Titus Czyzewski, avant de les encrypter.

À travers ce mélange d’archives fictives et de véritables créations, je cherche à questionner le fonctionnement même des outils mis à notre disposition avec le développement de l’intelligence artificielle. Plus particulièrement : leur tendance à atomiser le monde, c’est-à-dire à faire de tout réel un ensemble de valeurs statistiques dénué de sens. L’histoire de Sena Schiplink est un creepypasta, une courte histoire horrifique, un récit de troisième main, basé sur un corpus lacunaire. Elle nous invite à questionner l’évidence d’un fonctionnement technologique auquel nous nous sommes accoutumés, nous parle de la violence qu’il y a à vouloir vider le monde de son sens, et nous fait entr’apercevoir l’ennui qui règne à la fin d’une telle démarche.

La forme finale de ce projet – une installation accompagnée d’une performance live de la pièce sonore – sera présentée en septembre, à Nantes. Mon temps de résidence se concentrera sur la poursuite de la constitution de ce corpus et sa narration, l’expérimentation sonore, et les réflexions autour de la scénographie de l’installation.

Après ma résidence, mai 2023:

Une quinzaine de jours environ passés au Bel Ordinaire. Le premier week-end, alors que j’étais tout juste arrivé, s’organise le GroFest (4ème édition) à la Route du Son. J’en profite pour découvrir les lieux ; un échange culturel à coup de headbang et de wall of death. Earthquake, groupe palois, meilleur découverte de la soirée du samedi.

J’avais pour objectifs de découper mes deux semaines de travail entre écriture/tentatives de développement d’une IA/essais de scénographie pour la première et expérimentations sonores pour la deuxième. Finalement, pas de son. J’aurais pu, mais j’ai préféré pousser le plus possible mon travail de réflexion autour de la création par IA. Arrivé à la fin de la première semaine, je n’avais lu qu’un livre sur les deux prévus, et j’étais en pleine avancée, alors le son a dû sauter.
Il faut dire que c’était franchement agréable de retrouver un grand espace pour travailler. De pouvoir mettre des grands lais de papier sur les murs pour faire de l’heuristique en maxi-format ; de même pour les essais de scénographie, pour lesquels, même si je ne me suis pas lancé dans la construction de modules (trop tôt, plus une galère à transporter ensuite qu’autre chose), j’ai pu mettre au mur du papier échelle 1:1 des futures impressions et voir ce que ça donnait. Voir ce que ça donnait d’assez loin en plus ! Tant d’espace !

Alors, plutôt que faire deux choses sans en finir une seule, j’ai commencé à écrire. Photographie à l’instant T de mes réflexions sur ce projet, plusieurs images produites pendant la résidence (dont des résultats d’entraînement d’un réseau de neurones homemade, peu concluants), et quelques essais pour pouvoir dire ce que j’en suis venu à penser de ce que je fais. Ma chance, c’est que l’équipe du Bel Ordinaire ait bien voulu m’imprimer le résultat (52 pages, et deux fois cinq exemplaires en plus. Encore merci et pardon pour toute l’encre consommée) pour en faire une édition. Un bel objet de restitution dont je suis très content, que j’ai pu présenter rapidement juste avant mon départ, entouré des traces de mon travail et de livres qui pendaient du plafond (merci Adrien pour l’installation !), et, depuis, faire tourner auprès des autres personnes qui suivent le projet. C’est-à-dire que je suis arrivé au Bel Ordinaire avec plein d’idées qui sédimentaient depuis un moment, et suis reparti avec un projet formalisé, quasiment entièrement planifié, et de quoi le faire découvrir dans les meilleures conditions. Une résidence de recherche ayant parfaitement porté ses fruits, en somme.
Encore merci le BO, en espérant avoir l’occasion de revenir vous montrer ce que ça a donné un jour !