Depuis 2014, mon projet Atlas Bellone a réuni une grande collection d’objets contemporains trouvés sur des lieux de mémoire ou des musées de guerre : souvenirs, médailles, supports de communication etc.
Mise en tourisme des champs de bataille et commercialisation de l’histoire se mélangent à des volontés d’appropriation d’un patrimoine douloureux dans ces représentations qui oscillent entre obscénité et curiosités. En consignant méticuleusement ce qui n’est pas censé l’être, j’interroge les « traces » de l’Histoire produites aujourd’hui, leurs enjeux politiques et économiques. Les événements historiques célébrés et le moment où « j’y suis allée » se chevauchent ; les géographies se mélangent. À l’inverse des discours portés par ces objets, Bellone, déesse romaine de la Guerre, incarne davantage les horreurs de la guerre que ses aspects héroïques.
J’ai mis en place au fil du temps plusieurs protocoles de prises de vue de ces objets pour organiser leur archivage. Ma résidence au Bel Ordinaire sera consacrée à un travail d’editing, d’assemblage et d’écriture autour de ces 900 pièces collectées ces six dernières années. Cette résidence sera ainsi une première étape dans la conception d’une publication. À la manière d’un Atlas Mnémosyne revisité ou d’un musée imaginaire, cette édition tentera de proposer de nouvelles lectures de ce travail de collection.
Après ma résidence, mars 2021 :
Ces cinq semaines de recherche au Bel Ordinaire m’ont permis de remettre à plat l’ensemble de mon projet de collection. Certaines décisions prises au fil du temps me semblaient dépassées tandis que d’autres hésitations apparaissaient. J’ai entièrement revu la classification des objets archivés dans l’Atlas Bellone et réévalué ma manière de les photographier. L’index de la collection a totalement été revu, un thesaurus documentaire a été créé, ainsi qu’un code couleur se référant à une cartographie des collectes. Le projet de publication sur lequel j’étais venue travailler s’est rapidement articulé autour de l’idée d’un catalogue qui ferait écho à une installation. D’une certaine façon à la manière d’un guide qui remet en jeu textes et légendes dans l’espace de la double page. J’ai profité de l’atelier mis à ma disposition pour développer certaines recherches en grand format plutôt que de me concentrer exclusivement sur le texte et l’éditing de mes prises de vue. Ce moment de résidence m’a également permis de commander des tirages, tester des formats et des mises en espace. Ces expérimentations m’ont poussée vers l’écriture d’un nouveau texte à performer sous forme de visite guidée devant les reproductions des objets. Lu en fin de résidence au sein d’un accrochage dans la petite galerie, ce nouveau texte pose les jalons d’une prochaine étape de travail.