Bien que je sois amenée à voyager un peu partout pour exercer mon métier, je réside à Pau et fréquente régulièrement l’espace d’art contemporain du Bel Ordinaire. En effet sa programmation entre souvent en résonance avec ma profession de costumière de cinéma à travers des préoccupations plastiques et conceptuelles propres aux pratiques de la création d’aujourd’hui.
C’est la familiarité avec le lieu et l’équipe qui m’a donné l’idée de solliciter l’accès à un atelier pour y mener à bien un projet de sculpture. Il s’agit de la réalisation d’un masque représentant une des entités de la mythologie basque « Akelare », prochainement en jeu dans une scène du film d’Eugène Green : « Atarrabi & Mikelats » qui est une transposition de la mythologie basque dans le monde actuel.
Un espace parfaitement adapté à ce travail m’a tout de suite été proposé.
Je suis créatrice de costumes pour le cinéma. Je me sens comme ces artisans de la période romane qui aimaient travailler en équipe à l’élaboration des œuvres peintes, chacun dans sa spécialité. Disons que je réalise les costumes pour une œuvre cinématographique en essayant de soutenir au mieux le propos d’un réalisateur. Le travail collectif m’attire et me fait sortir de l’individualisme à travers la collaboration étroite avec le technicien lumière, le directeur de la photo, l’ingénieur du son, puis toute l’équipe du tournage. Interviennent aussi le corps et le jeu des comédiens mais sans perdre de vue que si le costume est une mise en scène du corps, il est aussi structurant dans la composition de l’image et du cadre en tant que forme, matière et couleur.
Je ne suis pas l’auteur du propos qui fait « l’œuvre », mais je peux le choisir et y adhérer pour le servir dans une inter-subjectivité avec l’auteur. Mon premier travail est un travail d’observation. « Tout est déjà là », c’est ce que me dit le réalisateur. Je vais donc devoir repérer ce qui existe déjà et qui ne demande qu’à être mis en valeur. Ne pas « gâcher » ce qui est déjà présent, c’est déjà suivre le fil rouge et ténu d’une certaine idée de la création. Puis, je recherche « l’épaisseur » des personnages que je dois vêtir de toutes les couches superposées dont ils sont constitués et qui sont d’ordres poétique, plastique, mais aussi sociologique, historique, anthropologique et psychologique.