En accordant une importance particulière au processus de fabrication des images, au rapport sensuel à l’imprimé, ma démarche vise à questionner la pratique du graphisme et de la production d’images.
Mes recherches sont guidées par un questionnement autour du visible, mettant en jeu l’image, les mots, la lisibilité et la visibilité, le mouvement, le rapport au temps.
Animée par ces préoccupations autour de la fugacité ou la permanence d’une vision, l’évanescence ou la pérennité d’une image, je questionne le regard, le rapport physique avec ce que l’on voit, ce que l’on perçoit.
Puisque c’est la lumière qui nous permet de voir, il s’agit d’aborder le phénomène : en décomposant la lumière blanche on obtient le spectre visible, représentation de l’ensemble de ses composantes monochromatiques.
En imprimerie on utilise la synthèse soustractive : on part d’un fond blanc, d’une source de lumière blanche à laquelle on va soustraire des composantes.
Notre œil est ainsi habitué à voir des images qui émergent d’un fond blanc : elles remplissent l’espace vide, se détachent par leur contraste, et existent si bien qu’elle font disparaître le support. Nous les voyons parce qu’elles sont « voyantes ». Il m’intéresse de contrarier ce processus.
La physique quantique rappelle que les sens développés par l’être humain pour appréhender son environnement sont trompés. Comme si notre cerveau se recréait un monde virtuel, plus facile à appréhender.
Fascinée par les découvertes scientifiques liées au macro et au microscopique, je récolte des représentations produites par les outils scientifiques (imagerie médicale, satellite, radiographie, IRM…)
Cette imagerie révèle une part d’invisible.
« La matière noire », « le fond diffus cosmologique » ou « fond relique », « le carbone 14 » … ces concepts portent une dimension poétique et symbolique qu’il me plaît de détourner.
Au-delà d’une interprétation subjective, il s’agit de proposer un écho sensible à la démarche scientifique, une forme de décryptage dans lequel le langage et les images de la science résonnent. La science autant que l’art est un moyen de comprendre le monde. Elle nourrit une réflexion sur le passage de l’invisible au visible.
Le point de départ de cette recherche s’intitule FAIRE SANS BLANC.
Note d’intention, février 2018
Après ma résidence, novembre 2018
Cette résidence au BO a permis un pas de côté par rapport à ma pratique quotidienne. Un rendez-vous mêlant disponibilité et optimisation. Un temps pour me frotter aux images, faire avec la technique, m’en éloigner, convoquer le hasard, faire avec l’accident, recomposer…
Un temps pour expérimenter pleinement le faire, fabriquer des images et laisser décanter. Beaucoup d’allers-retours entre l’atelier de sérigraphie et mon atelier transformé en espace d’accrochage.
En blouse de chimiste je manipule du Ferricyanure de potassium, nappe l’écran de marbrures métalliques, distend les trames mécaniques, vernis le sol de Mars sur plaque de cuivre, fais quelques boutures. Un anisé luminescent insolé devient une palette de bleus profonds. Les veines du bouleau deviennent des nuées stellaires.
Une constellation de répliques tapisse l’atelier.
Deux pistes se dégagent de ces expériences. L’une d’images pré-existantes qui se décalent et se révèlent par le rapport subtil de teintes entre le support et l’encre.
L’autre dont le geste est la source, l’encrage exprimant l’échos du geste, la trace de la matière et du temps comme narration. Un texte émerge. Et l’envie de poursuivre dans ce temps parallèle : trois semaines, c’est court !