Au Bel Ordinaire, lieu au nom porteur, Paysage, corps naïf sera un projet de réflexion sur les liens entre notre corps et le monde, à travers une investigation ludique et sensuelle d’un corps-paysage, qui se dessine et s’écrit. Notre corps au quotidien fait partie du décor. On l’emmène avec soi, bien souvent sans y prêter attention. Que dire de la part sensible, sauvage, tendre ou banale, qui nous relie au monde ? De nos apparentes contradictions, de nos mystères ? Jouons avec la poésie de nos peaux ordinaires, souvent oubliées, pour retisser des ponts entre nos corps et le monde physique, naturel, habité.

Cette recherche sous la forme de dessins et de courts textes sera probablement sérielle. La série fait dériver le sujet, nous détache doucement de l’objet initial autour duquel les déclinaisons interrogent voire subvertissent.

Un premier temps questionnera notre rapport à la représentation du corps et à celle de la nature et du paysage, urbain et rural, avec les mots, symboles et évocations qui leur sont attachés. A partir de ce bagage-trésor lexical, je laisserai émerger un dialogue singulier entre nos parts imaginées ou bien réelles. Exploration de passerelles peut-être lisibles, peut-être secrètes, entre la représentation que l’on se fait du corps, le sien ou celui de l’autre, et celle que l’on se fait du monde.

Après ma résidence, juillet 2021 :

La première semaine a été un moment d’immersion dans la matière, le sens, des sources artistiques, lexicales, qui font écho au projet Paysage, corps naïf que je souhaite développer. Un moment de recherche ouverte et décomplexée, car libre de toute obligation de résultat, offrant la richesse des divagations et du temps nécessaire à la maturation. L’occasion de faire un point aussi sur ma pratique, les fils et motifs qui me touchent, ce qui réémerge encore. Simplifier, le peu, les apparences, ce qui est en creux… les sens multiples et le corps toujours comme médium. Avec le plaisir d’assembler ces recherches et d’y découvrir encore une évidence.

Je me suis replongée dans des lectures (Une respiration de Hubert Godard, 100 mots de la danse de Geisha Fontaine, Les jours s’en vont comme des chevaux sauvages de Bukowski…) et œuvres d’artistes et chorégraphes : Bill Viola, Philippe Ramette, Li Wei, Boris Charmatz, Anne teresa de Keersmaeker…

A partir de mes notes et réflexions, en creusant des définitions, en cherchant, collectionnant, j’ai juxtaposé et fait rebondir des mots entre eux, des relations de sens entre notre rapport à l’environnement, au paysage et au corps. Avec les liens qui s’établissaient, j’ai créé un petit questionnaire que j’ai partagé avec l’équipe et les résidents pour interroger leurs propres rapports au corps et à l’espace qu’ils occupent. J’ai retenu les mots quotidiens, ou très communs, des choses simples qui nous imprègnent et qui nous marquent, des récurrences : routes, montagne, immensité, risque, forêt, le silence, le contact avec les autres, le bruit, une forme de tendresse…

Ensuite, j’ai commencé à travailler de courts textes et à esquisser les premiers dessins en jouant avec ces notions, dimensions intimes – et souvent communes - où les sensations se mêlent à l’environnement, la rue aux souvenirs, l’émotion aux odeurs… Ces premiers pas ont fait dériver un tantinet le projet initial où je me figurais la représentation d’un seul corps. De là j’ai eu envie de dessiner deux corps enlacés, mi anges, mi adultes et non genrés, inspirés de la performance de Tino Sehgal, Le baiser. Ce duo répété se mêlant à la représentation allégorique d’un espace ou d’une situation propose une lecture différente des corps et de l’environnement évoqué à chaque dessin. Corps vulnérables en prise avec le réel, imperturbables et tendres. A suivre…

Le lieu et l’atelier m’ont offert une concentration précieuse, ainsi que l’équipe très sympathique qui ouvre ses portes en toute confiance et autonomie. Précieux aussi les échanges culinaires et artistiques avec les autres résidents, merci à tous !