Née en 1991, à Cosne-sur-Loire ; diplômée de la HEAR Strasbourg en 2014, vit et travaille en Bourgogne.
Clara Denidet est artiste et autrice. Sa recherche se déploie dans le champ des arts visuels par la sculpture, l’installation, mais aussi par la forme performative et l’écriture. Son travail se nourrit des sciences humaines, des grandes et petites histoires, dans une approche anthropologique volontairement amateure et expérimentale. Avec un intérêt accru pour les savoirs et savoir-faire – ceux qui ne s’apprennent pas dans les livres ni à l’école, ceux qui s’incorporent par l’observation participante et le bouche-à-oreille –, elle développe ses recherches autour des modes de transmission détournés, de l’oralité, mais aussi du rituel et du soin. Depuis quelques années, elle propose des expériences collaboratives qui questionnent nos manières d’habiter, individuellement et collectivement.
Le lavoir : esquisse de la pièce présentée au Bel Ordinaire du 17/09/2025 au 17/01/2026 dans l’exposition de Clara Denidet, Mains de traverses.
La pratique de la vannerie nous amène au centre ou à la sortie des villages, dans les lavoirs, ces espaces dont l’usage initial s’est perdu. Ces espaces publics anciennement fréquentés par les femmes pour la lessive du foyer, des espaces de travail mais aussi de parole, de transmission et d’apprentissage collectif. Des espaces où faire société, à la marge de l’espace domestique. Ces architectures de peu tiennent encore debout aujourd’hui et abritent d’autres usages. Comme si demeuraient entre le toit et le bassin parfois asséché, les réminiscences de ces rencontres. Les lavoirs deviennent des abribus, des espaces ombragés, qui abritent encore une certaine parole. Protégés partiellement des regards, des intempéries, les lavoirs sont fréquentés par une population jeune et/ou marginalisée qui s’emparent de ces espaces publics pour se retrouver, « zoner », parler encore et apprendre ce qui ne s’apprend surtout pas à l’école.
La « trempe » qu’exige la pratique de la vannerie, pour rendre l’osier souple nous attire au lavoir. La trempe nous porte à l’ombre, sous les charpentes anciennes, aux pieds des bassins. Nos mains vont immerger les bottes d’osier, lestées de grosses pierres, de morceaux de parpaings ou de murs écroulés ; de ce qu’on trouve. L‘eau glacée fait étau, sert nos poignets, remonte jusque dans nos épaules et nous engourdis. Il faut aller vite et je pense à celles qui lavaient longtemps, par toutes saisons les linges de toute une maison. L’eau du lavoir assouplit les brins. Le lavoir rend possible le travail. Il est à deux pas de ma maison et du garage où je tresse l’osier. Je peux y aller à pied. La pièce est pensée comme un archétype, une image simplifiée du lavoir dont il ne resterait que les grandes lignes : des pourtours solides où s’assoir, un semblant de toit sous lequel se sentir abrité. Elle est pensée pour accueillir, réunir, se poser et parler. On a récupéré le bois dans la campagne béarnaise, dans des fermes vastes perchées sur des côteaux, sous des granges poussiéreuses.
Clara Denidet